La collaboration entre les universités et les entreprises devient de plus en plus assumée au Québec et pour la rendre encore plus prolifique, les universités mettent en place différentes stratégies. Des résultats sont déjà au rendez-vous.

L'Université de Sherbrooke (UdeS) multiplie les efforts pour stimuler l'entrepreneuriat. Son «accélérateur de création d'entreprises technologiques» (ACET) accueille depuis quatre ans des entreprises d'étudiants en leur offrant coaching et mentorat.

«Ça fonctionne puisque, dans les 15 années qui ont précédé le déploiement de notre stratégie, en 2010, nous avions eu 26 entreprises en démarrage. Depuis 2010, nous en avons eu 41», affirme Jacques Beauvais, vice-recteur à la recherche, à l'innovation et à l'entrepreneuriat à l'UdeS.

Pour établir sa stratégie, l'UdeS s'est inspirée de ce qui se fait aux États-Unis, notamment au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et au California Institute of Technology (Caltech).

«Aider les étudiants à démarrer leur entreprise et s'assurer qu'ils bâtissent des relations avec les chercheurs permet de créer des partenariats à long terme», explique M. Beauvais.

Le Quartier de l'innovation de Montréal, fondé à la base par l'Université McGill et l'École de technologie supérieure (ETS), comprend aussi un volet entrepreneuriat et collaboration avec l'industrie.

McGill vient d'ailleurs de conclure un partenariat avec le Centre d'entreprises et d'innovation de Montréal (CEIM) pour que ses étudiants entrepreneurs aient accès à des services de mentorat et de consultation. Le gouvernement fédéral y a investi 6,2 millions pour les 5 prochaines années et les étudiants pourront obtenir jusqu'à 75% du financement nécessaire au démarrage de leur entreprise.

Le réseau de PME du CEIM bénéficiera également de ce rapprochement avec McGill puisqu'il facilitera la collaboration avec ses experts dans différents domaines.

«Nous travaillons à cibler des collaborations possibles avec l'industrie et des entreprises en démarrage: nous avons une quinzaine de projets sur le radar», affirme Isabelle Péan, directrice du projet, Quartier de l'innovation, Université McGill.

Les défis de la PME

Cette main tendue vers la PME est bienvenue puisque son lien avec les universités est souvent moins naturel qu'avec la grande entreprise.

Michel Leblanc, président et chef de la direction de la chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), l'a constaté en organisant plusieurs événements pour rapprocher les entreprises et le milieu universitaire.

«Pour certaines PME très liées au savoir, notamment en biotechnologies, c'est naturel d'avoir des liens avec les chercheurs universitaires, mais dans d'autres secteurs, ce l'est moins, et ce sont ces relations qu'il faut améliorer», dit-il.

Certains défis ont été ciblés, comme celui du respect des échéanciers.

«Les chercheurs universitaires travaillent dans un espace-temps différent de celui des entrepreneurs. On a vu des chercheurs retarder de quelques mois des échéanciers convenus avec des entreprises, raconte M. Leblanc. Pour l'entrepreneur, cela fait une énorme différence, surtout lorsqu'il est financé par du capital de risque. Cet enjeu est connu, maintenant, et on voit des améliorations.»

Plusieurs PME ont aussi de la difficulté à trouver le bon partenaire universitaire.

«La grande entreprise a souvent une bonne connaissance des acteurs universitaires importants dans son industrie, notamment parce que le financement de plusieurs projets de recherche est conditionnel à des partenariats avec le privé. Mais pour la PME, cela peut être un défi», affirme Michel Leblanc.

Prenons l'exemple d'une PME dans le commerce de détail. «Si elle souhaite adopter une stratégie de commerce en ligne, remettre en question son emplacement géographique et sa gestion des stocks, elle ne trouvera pas nécessairement rapidement le bon chercheur pour l'aider, ajoute M. Leblanc. C'est un frein.»

Tous y gagnent

Plusieurs initiatives ont été mises en place pour rapprocher les chercheurs des entreprises dans les dernières années, comme le Centre de partenariat avec les entreprises de l'Université McGill (MUBEC). L'ETS en a fait sa devise: Le génie pour l'industrie. Le Centre de technologies avancées BRP-Université de Sherbrooke en génie mécanique et le Centre de collaboration MiQro Innovation (C2MI) en microélectronique, créé par l'UdeS et IBM, notamment, ont aussi vu le jour.

Doit-on maintenant s'inquiéter d'une recherche trop dirigée vers les besoins de l'industrie?

«Non, parce qu'il faut maintenir un équilibre avec la recherche plus fondamentale, affirme Jacques Beauvais. La recherche en amont alimente la recherche appliquée. Si on n'en fait pas suffisamment, on n'arrivera plus à être concurrentiel.»

À l'UdeS, un peu plus du quart des budgets de recherche proviennent des organisations à but non lucratif et des entreprises privées. À McGill, c'est 7%.

«La collaboration entre les universités et les entreprises n'est pas qu'une question de sous; elle permet de travailler sur des cas concrets, de faire avancer la recherche, d'enrichir l'expérience des étudiants et de réunir plusieurs forces sur une question pour que tous en bénéficient, affirme Isabelle Péan. Les gens ne veulent plus travailler en silo.»

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Michel Leblanc