Geneviève Bélanger a beaucoup à faire pour assurer la croissance de sa petite entreprise Berceau Maternité, une boutique de vêtements à la mode pour les futures mamans qui a pignon sur l'avenue Maguire, une importante artère commerciale du quartier Sillery à Québec.

La jeune entrepreneure de 31 ans, elle-même enceinte de son cinquième enfant, doit notamment conjuguer avec les difficultés qui frappent le secteur du commerce de détail. « Il faut s'adapter et investir continuellement pour rester compétitif », note la propriétaire dont l'entreprise offre depuis 2009 un service de ventes en ligne qui génère aujourd'hui le quart de ses revenus.

Ce virage technologique a évidemment un coût, de même que ses initiatives mises de l'avant ces dernières années pour attirer la clientèle en magasin dont les ventes diminuent. « Notre chiffre d'affaires augmente toujours, mais pas au même rythme qu'avant », indique Mme Bélanger.

Or, Berceau Maternité pourrait aussi avoir à payer plus d'impôt à compter de l'an prochain.

Le gouvernement du Québec, dans une mesure budgétaire annoncée en 2015, prévoyait à compter de 2017 abolir le taux d'imposition réduit pour les PME de trois employés et moins, à l'exception de celles des secteurs manufacturier et primaire.

MARCHE ARRIÈRE

Lors du dernier budget, Québec a fait marche arrière en réservant plutôt cette déduction, appelée taux PME, aux entreprises dont la somme des heures travaillées par les employés dépasse 5500 heures, incluant celles de l'actionnaire, soit l'équivalent d'un peu plus de 3 employés à temps plein.

« C'est un assouplissement qui permettrait à plusieurs entreprises saisonnières, par exemple dans les secteurs du tourisme ou du détail qui vivent des périodes de pointe, de conserver l'accès au taux d'imposition réduit », commente Martine Hébert, vice-présidente principale de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Geneviève Bélanger et ses quatre employés, dont deux à temps plein, totalisent entre 4600 et 5000 heures de travail. L'entreprise ne pourra donc plus profiter d'un taux d'imposition moins élevé. « On a tellement d'autres défis à se préoccuper. S'il faut en plus payer davantage d'impôt, ça risque de freiner notre élan. On a besoin de toutes les ressources financières possibles pour investir et continuer à grandir », souligne-t-elle.

Berceau Maternité ne peut se permettre pour l'instant d'engager du personnel pour arriver à cumuler plus de 5500 heures et continuer à bénéficier d'un taux réduit d'impôt. « En fin de compte, ça coûterait plus cher. Et pour obtenir des prêts, il faut présenter de bons états financiers aux institutions financières », fait valoir Geneviève Bélanger.

Manon Coulombe, qui gère son propre cabinet comptable depuis 2004 et dont la clientèle est composée principalement de très petites entreprises, s'inquiète aussi des répercussions engendrées par la décision du gouvernement, prise dans un souci d'austérité.

« Ce ne sont pas toutes les PME qui ont des excédents si importants pour se permettre de payer davantage d'impôt. »  - Manon Coulombe

Mme Coulombe emploie cinq personnes, dont trois qui travaillent à temps partiel, parmi lesquelles deux mères de famille qui souhaitent passer plus de temps à la maison. « J'ai toujours prôné la conciliation travail-famille. Si le gouvernement me pénalise avec ses nouvelles mesures, je serai peut-être obligée de leur demander de travailler à temps plein », déplore Mme Coulombe.

LE POUMON ÉCONOMIQUE

Le gouvernement du Québec voulait hausser de 8 % à 11,8 % le taux d'imposition des petites entreprises de trois employés et moins. Les petits détaillants, les jeunes qui se lancent en affaires, les petites entreprises du secteur de la construction, ou encore les entreprises de services devaient ainsi subir une hausse d'impôt de près de 50 %. Malgré les assouplissements annoncés dans le dernier budget, la FCEI souhaite que le gouvernement revienne sur sa décision et maintienne l'accès à la déduction pour petite entreprise pour toutes les PME du Québec, dont la moitié compte cinq employés ou moins.

« Les PME, c'est le poumon économique du Québec. Elles contribuent au dynamisme des régions et des petites localités. Mais l'accès au financement leur est difficile et elles doivent générer un maximum de liquidités pour soutenir les investissements et leur croissance. Ce n'est pas en les taxant davantage qu'elles créeront plus d'emplois », constate Mme Hébert.

La FCEI va même plus loin en demandant même au gouvernement d'abaisser à 4 % le taux d'imposition de l'ensemble des PME. « Si c'est bon pour les entreprises des secteurs manufacturier et primaire, pourquoi ce ne le serait pas aussi pour toutes les PME », indique Mme Hébert.

Au taux réduit de 8 %, les PME québécoises sont déjà taxées à plus du double de la moyenne canadienne qui est de 3 %, rappelle la FCEI.

EN CHIFFRES

48 % 

Augmentation de l'imposition des PME si le gouvernement décide de hausser de 8 % à 11,8 % le taux d'impôt de celles qui cumulent moins de 5500 heures travaillées.

3 % 

Moyenne du taux d'impôt des PME dans le reste du Canada

42 000 

Nombre de travailleurs autonomes qui seraient touchés par l'augmentation du taux d'imposition

33 000 

Nombre de petites entreprises qui seraient touchées par l'augmentation du taux d'imposition

Sources : FCEI, gouvernement du Québec

Photo Patrice Laroche, Le Soleil

Geneviève Bélanger a beaucoup à faire pour assurer la croissance de sa petite entreprise Berceau Maternité.