L'employé que vous souhaitez embaucher est-il en mission d'espionnage industriel? Son curriculum vitae est-il représentatif de ses compétences et de sa scolarité? Une fois sa lettre d'embauche signée, deviendra-t-il un employé à problèmes?

«Il nous arrive fréquemment de faire des enquêtes à la demande d'employeurs qui ont des doutes sur les motifs véritables du candidat qui postule chez eux», convient Alexandre Léger, 35 ans, président depuis cinq ans de la firme SRS (Services de renseignements et surveillance).

Il ajoute: «Mais nous ne pouvons enquêter si le candidat n'a pas signé un formulaire autorisant son employeur potentiel à vérifier l'exactitude de ses déclarations.»

Les employeurs sont-ils plus nombreux à recourir à l'expertise et au nez fin des détectives privés? Il semble que oui, selon ce qu'observe le président de la firme SRS.

«On peut comprendre que les entreprises ne veulent pas se faire voler, frauder ou infiltrer, fait-il valoir. Nos clients nous font part de leurs inquiétudes. Ils savent que tout est possible avec l'informatique; qu'avec les clés USB, on peut stocker des données et qu'il est plus facile de voler de l'information confidentielle.»

Et que fait-il pour les rassurer? «Je leur dis qu'il vaut mieux prévenir que guérir, sans tomber dans la paranoïa.»

Confidentialité oblige, Alexandre Léger évite de dévoiler le plan de match de ses enquêteurs quand ils tissent leurs filets pour démasquer un employé dont le dossier est entaché. On ne parle pas ici de candidats qui ont fait de petites omissions dans leur curriculum vitae...

Droit du travail et contraintes

Les enquêtes sur le personnel n'apportent cependant pas toutes les réponses. Cela peut expliquer, en partie, pourquoi les directeurs de ressources humaines sont de plus en plus nombreux à participer à des séances d'information pour se tenir à jour et pour mieux interpréter la Charte des droits et libertés de la personne, dont ils doivent tenir compte quand ils passent des candidats en entrevue.

«Nous abordons avec eux les questions à éviter, ce qui est permis, ce qui ne l'est pas, souligne Me Irene Chrisanthopoulos, spécialiste du droit du travail et de l'emploi chez Cain Lamarre Casgrain Wells. En matière de droit du travail, rien n'est jamais blanc ni noir, et j'ajouterais qu'il y a beaucoup de gris. C'est un domaine qui évolue constamment.»

L'interprétation des lois touchant la vie privée peut en effet créer beaucoup de confusion. Par exemple, un employeur ne peut refuser d'embaucher un postulant sur des principes de santé, de religion ou de handicap. Il n'a pas davantage le droit de le questionner sur son état civil, ses origines ethniques, sa condition sociale ou même de lui demander s'il est locataire ou propriétaire.

«On ne peut poser ces questions en entrevue, à moins qu'il y ait un lien direct avec les exigences requises pour le poste, précise Me Chrisanthopoulos. On ne peut demander à un candidat ou une candidate: avez-vous des enfants à charge? Mais on peut lui demander: serez-vous disponible pour voyager dans le cadre de vos fonctions?»

Elle ajoute: «Il n'est pas permis de demander à un candidat s'il a la citoyenneté canadienne, mais on peut lui demander: avez-vous le droit de travailler au Canada? C'est rempli de nuances. Il faut savoir poser la bonne question.»

Et si vous avez une boucherie, pourriez-vous demander au candidat s'il est musulman pour savoir s'il peut toucher au porc? «Non, répond l'avocate. Mais vous pouvez demander: vous n'avez pas de problèmes à travailler avec les viandes? Vous n'avez pas besoin de connaître sa religion.»

Et les candidats à un poste ont-ils des obligations?

«Si l'employé a caché des renseignements pertinents à propos du poste qu'il souhaite occuper, l'employeur pourra invoquer un vice de consentement et qu'il n'a pas eu toute l'information pertinente, répond l'avocate. Si l'employé ment et que son employeur l'apprend quelques mois ou quelques années plus tard, les tribunaux vont demander si c'est en lien avec ce qui était nécessaire pour le poste. Ça pourrait alors mener à un congédiement.»