Attention! Le Groupe Cameron ne fait pas dans l'extermination. Il pratique la gestion parasitaire. Nuance.

L'entreprise de Sherbrooke élimine bien sûr le problème lorsqu'il se présente. Mais elle préfère prévenir plutôt que faire périr.

«L'extermination a une coloration plutôt noire, observe Pierre Cameron, président de l'entreprise. Les gens ont un certain dédain. Mais on est beaucoup plus protecteur de leur santé que d'autre chose.»

Sa clientèle se concentre à 75% dans les secteurs commercial et industriel - industrie pharmaceutique, transformation agroalimentaire, restauration, agriculture -, où on ne peut se permettre de voir apparaître des visiteurs indésirables.

Le Groupe Cameron signe avec ces entreprises des contrats à long terme pour la détection et la prévention. «Notre rôle est de faire de la lutte intégrée, poursuit-il. Nous allons agir sur la cause avant d'agir sur le parasite visé.»

L'information, l'éducation et les rapports occupent 80% de leurs activités, alors que l'application de produits répulsifs ou mortels n'intervient que dans 20% des cas.

«Dans l'industrie pharmaceutique, on s'assure qu'il n'y ait aucun parasite, précise-t-il. C'est tolérance zéro.»

Dans les restaurants, l'entreprise mettra en place des réseaux de détection. Aucun parasite? Aucun pesticide.

«Ce qui nous fait vivre, ce sont nos clients réguliers, indique M. Cameron. Ce qui met la crème sur le gâteau, c'est le résidentiel.»

Une industrie de la peur et de l'horreur? Au contraire. «C'est une entreprise de service excessivement plaisante, assure-t-il. On rend service aux gens.»

Car la gestion parasitaire est d'abord affaire de contacts humains. Il faut comprendre, rassurer, ĂŞtre empathique.

Drôle de métier, tout de même. «Dans la nature de notre travail, il faut être excessivement curieux, explique Pierre Cameron. Il faut se mettre à la place du rongeur ou de l'insecte. J'irais où, je me cacherais où?»

Les employés semblent se plaire à ce jeu, si l'on en croit le faible taux de roulement du personnel. «La première personne que j'ai engagée, il y a 31 ans, est encore avec nous, assure-t-il. Les gens entrent chez nous et font carrière.»

L'industrie est tout de même en mutation. Les règlements municipaux et gouvernementaux sont de plus en plus contraignants, mais il y a de moins en moins d'inspecteurs pour les faire respecter, déplore Pierre Cameron. Pendant ce temps, le réchauffement climatique pousse de nouveaux parasites sous nos latitudes.

Mais une autre invasion se dessine...

«La Terre est devenue un village global, énonce-t-il. Des entreprises multinationales vont venir s'implanter au Québec. Il faudra être en mesure d'être compétitif et, surtout, de se différencier par rapport à ces gens-là.»

Comment le Groupe Cameron doit-il se préparer à l'arrivée probable et prochaine des multinationales sur son terrain?

Un peu d'histoire

Le don de l'arrière-grand-père

Le premier Cameron à exterminer la vermine - on ne parlait alors pas de gestion parasitaire - avait un don. À cette époque lointaine où la foi n'avait pas encore cédé le pas à la technologie, certains arrêtaient les saignements, d'autres trouvaient des sources d'eau. Louis Cameron, lui, éloignait les rats des fermes, raconte-t-on.

Son arrière-petit-fils, Pierre Cameron, président du Groupe Cameron, représente la quatrième génération de la famille dans l'entreprise. Il fait appel à d'autres techniques, mais la philosophie demeure la même: mieux vaut les empêcher d'entrer.

Après des études en entomologie, Pierre s'est joint à son père dans la microentreprise de Sherbrooke en 1981. À l'époque, elle consistait en un petit comptoir de service dans la maison familiale, avec une dactylo déposée entre la laveuse et la sécheuse. La maman répondait au téléphone. Mais Pierre Cameron vibrait déjà du «défi de l'entrepreneur»: il voulait «créer un emploi par année».

Lui et ses deux frères ont racheté à parts égales l'entreprise de leurs parents en 1986.

Le Groupe Cameron, deuxième firme de gestion parasitaire en importance au Québec, compte à présent 72 employés - «des partenaires», précise Pierre Cameron.

Au siège social de Sherbrooke se sont ajoutées trois succursales à Granby, Montréal et Québec, en plus d'un franchisé à Val-d'Or.

Pierre Cameron a conservé le carnet de notes de son arrière-grand-père, inventeur analphabète, mais entrepreneur dans l'âme. «Quand il faisait une job de fourmis, comme il disait, il dessinait une fourmi dans son calepin, relate-t-il. Si c'était des souris, il dessinait une souris.»

Après une pause: «Il ne faut jamais oublier d'où on vient.»