Cyber Génération, un concepteur de sites web commerciaux, fondé par Stéphan Lestage, avait des problèmes de productivité.

«Quand on passe sa journée à écrire des lignes de code informatique, la moindre bévue bousille tout le programme, explique le patron. Dans certains projets on passait jusqu'à 350 heures de travail à réparer les erreurs. Il fallait réorganiser le travail pour qu'il devienne beaucoup plus productif. On a fixé à 150 heures la limite acceptable de réparation des bévues et on a responsabilisé les gens.»

Cyber Génération a donc créé des équipes qui doivent analyser les projets et prévoir le nombre d'heures facturables nécessaires pour le réaliser. Ce sont ces mêmes équipes qui reçoivent ensuite le mandat de faire le travail.

«Il y a un boni à la performance, explique M. Lestage. Pour chaque point de pourcentage sous le temps d'abord prévu, le boni monte. Et il n'y a que 5% de temps de taponnage qui est considéré comme normal. Et ça fonctionne à merveille!»

Faire confiance

Richard Poulin, fondateur de Komutel, a un curieux problème d'organisation du travail. Son entreprise de 35 employés produit des logiciels qui gèrent les systèmes téléphoniques de grandes et moyennes organisations (des hôpitaux, par exemple).

Il a besoin de programmeurs dans ses bureaux et de monteurs de lignes et de vendeurs sur la route. «On ne peut pas avoir des monteurs de ligne et des vendeurs efficaces en les récompensant sur les heures travaillées, dit-il. Donc ils sont payés sur les objectifs atteints.»

Et la supervision de ces gens-là? «Les techniciens sont gérés à distance grâce à leurs feuilles de temps qui servent à mesurer leur efficacité. Mais le gros élément ici, ce n'est pas l'hyperplanification. C'est la latitude qu'on donne à ces personnes, la confiance qu'on leur fait dans l'organisation de leur temps.»

Le choix de ces monteurs permet de leur laisser quelque peu la bride sur le cou. Ce sont des retraités d'une grande société de télécommunication qui veulent une seconde carrière.

«Ils veulent beaucoup de flexibilité dans leur horaire, dit M. Poulin. C'est ce que nous leur offrons en échange de leur expérience, et donc d'une très grande productivité.»

Planificateurs vs exécutants

En général, pour s'assurer que le travail est bien planifié sur le terrain et produit au maximum, le choix des cadres et des gestionnaires est crucial.

Dominique Bouteiller note que si, dans le passé, l'organisateur du travail des équipes et unités était généralement l'employé lui-même le plus efficace et le plus expérimenté, le contremaître idéal, ça n'est plus nécessairement vrai.

«Aujourd'hui, la fonction est définie autrement, dit le professeur de gestion de ressources humaines à HEC Montréal. Il faut une personne capable d'organiser et d'animer l'équipe. L'organisateur n'a plus à être l'expert exécutant. Je connais une moyenne entreprise de production en micro-informatique québécoise où une équipe de concepteurs est dirigée par une femme plus jeune que tout le monde, moins experte à concevoir ces bidules que quiconque dans son équipe. En prime, c'est la seule femme de la bande.»

Alors, pourquoi elle?

«Parce qu'elle est rompue et habile aux techniques d'organisation du travail pour atteindre de nouveaux niveaux de productivité, dit-il. C'est sa spécialité d'ingénieure et à ce jeu-là, elle bat tout le monde.» Chacun son métier et la productivité sera bien gardée.

L'OPINION DE MARC DUTIL

Sur le plancher, plusieurs fois par jour, il y a une prise de mesure de l'avancement du travail. Au niveau de la direction, c'est une fois par semaine qu'on a un bon portrait. Chez nous, le travailleur dans l'usine ne travaille pas pour Marc ou Marcel Dutil, il travaille pour son superviseur immédiat. On accorde beaucoup d'importance au rôle de contremaître, de chef d'équipe. Il doit avoir les bons outils, être valorisé, être récompensé, connaître les objectifs de la journée, de la semaine et de l'année.

L'employé qui a eu une bonne idée participe à ce qu'on appelle le Mérite Canam. On lui donne un prix et on affiche sa réalisation sur le babillard. Ainsi, tu as stimulé, tu as motivé, tu as récompensé, tu as créé quelque chose, une ambiance, une attitude sur le plancher.

À l'usine de St-Gédéon, par exemple, on remet environ 200 ou 300 Mérites Canam par année. Chaque employé reçoit environ 50$. Lors d'une soirée Mérite dans un aréna, on fait tirer 5000 ou 6000$. Il y a un souper, des sketchs, les conjoints sont invités et c'est super plaisant. On montre sur vidéo les améliorations que les travailleurs ont réalisées pendant l'année. C'est une soirée que mon père et moi ne ratons jamais: on a du fun! L'amélioration de la productivité, ce n'est pas un coup de fouet pour dire aux employés de travailler plus fort.

- Propos recueillis par Marc Tison