Réputée chez les manufacturiers, médiatisée dans les hôpitaux, la méthode Lean s'immisce à présent dans le secteur des services.

Depuis 2008, le Mouvement Desjardins a repris à son compte cette méthode, héritée du système de production de Toyota. L'organisation applique cette approche à ses services centraux. «C'est plus complexe que dans le secteur manufacturier ou dans les hôpitaux, où on peut voir les choses. Dans les services, on ne les voit pas. Pourtant, il y a aussi des stocks, par exemple les hypothèques en attente de traitement», observe Louis Charest, directeur principal, développement de la pratique conseil et efficacité opérationnelle chez Desjardins.

«Une fois qu'on a mesuré la capacité, on peut rendre le processus plus fluide. C'est moins intuitif», explique-t-il.

Processus rapide

Les objectifs sont les mêmes que dans d'autres industries.

«Rendre un processus plus rapide, éliminer les activités qui n'ajoutent pas de valeur, dégager de la capacité de production», énumère M. Charest.

Ainsi, la divulgation des états financiers prenait davantage de temps que chez les concurrents de Desjardins. «On a regardé le processus de bout en bout. On s'est rendu compte que plusieurs activités étaient redondantes. Cela a permis une meilleure coopération, et réduit les délais», se félicite M. Charest.

En une journée, les participants passent du constat des problèmes à la proposition d'améliorations dans une salle de travail, dédiée à l'amélioration continue, et appelée «l'environnement propulseur de solutions» (EPS).

«Souvent, le simple fait de documenter le processus permet aux participants de l'améliorer. Cela devient plus clair dans leur esprit», observe Annabel Lamoureux, directrice Conseil en amélioration de processus d'affaires au Mouvement Desjardins.

Par la suite, les projets survivent grâce à des comités d'amélioration continue, implantés pour prolonger la démarche sur le long terme. Ces comités sont supervisés «pour nous assurer qu'ils utilisent les mêmes outils dans l'ensemble du Mouvement Desjardins», précise M. Charest.

Malgré les succès, la méthode Lean n'est pas généralisée. Le groupe-conseil entre en action seulement sur commande. «On crée du succès et de la collaboration. Les responsables de service voient cela, et ils demandent d'intervenir», explique M. Charest.

Desjardins ne se limite pas à l'approche inspirée de Toyota. «Lean et Six Sigma, c'est la base. Puis, nous greffons des outils là où nous en avons besoin», explique Louis Charest.

La méthode Lean vise l'efficacité. Elle concentre les efforts de l'entreprise sur la valeur ajoutée perçue par le client, en éliminant les gaspillages de temps et d'argent. Cette approche née chez Toyota conduit à une spécialisation vers les activités essentielles. Les premiers résultats sont souvent visibles rapidement. Son application se cantonne souvent à une partie du processus de production.

L'OPINION DE MARC DUTIL

J'aime beaucoup la méthode Kaizen, qui amène des gens de plancher, des gens des ventes, des gens de conception à se rencontrer. C'est une discussion franche sur le problème, la source, les solutions possibles, avec tout le suivi qui s'ensuit. Avec un groupe interne qui l'applique, on s'assure que le quotidien ne vienne pas reprendre le dessus sur les bonnes intentions.

Tous ces outils-là, pour moi, sont comme des régimes. Que tu suives un régime au pamplemousse ou que tu fasses du spinning, tu choisis un régime parce qu'ultimement, tu veux t'améliorer. Tu ne peux pas faire du Lean, du Six Sigma, du Kanban avec des gens qui ne veulent pas. Il faut créer le désir de cette amélioration.

Six Sigma est peut-être la méthode pour laquelle j'ai le plus de préjugés défavorables. Mal utilisée, elle pourrait devenir la religion de la documentation. Le danger, c'est de ne plus savoir pourquoi tu le fais. L'excellence et la perfection ne sont pas synonymes et Six Sigma recherche la perfection.

- Propos recueillis par Marc Tison