Aquarium ASP, une PME de Laval, repose sur l'innovation.

Lionel Dimitri et son partenaire ont fondé l'entreprise en 2003 pour développer un type d'aquarium révolutionnaire. Très minces, ces aquariums de grande superficie peuvent être suspendus.

Même si les deux hommes d'affaires ont travaillé d'arrache-pied pendant deux ans pour mettre au point leur concept, ils continuent d'investir en innovation.

«Nous réinvestissons une portion non négligeable de nos revenus dans l'innovation. Je dirais environ 20%. Nous avons décidé de toujours rester en avant pour nous démarquer», affirme Lionel Dimitri.

Innover a un coût. Toutefois, ne pas innover en a également un, d'après Ygal Bendavid, professeur au département de management et de technologies à l'ESG-UQAM.

«Innover est une nécessité pour qu'une entreprise demeure concurrentielle, affirme-t-il. C'est vrai pour les entreprises de toutes les tailles.»

D'après le chercheur, il est plutôt rare que les PME aient un département de recherche et développement.

«C'est tout de même essentiel que dans les hautes instances de l'entreprise, un budget soit alloué à l'innovation», affirme-t-il.

Combien ça coûte réellement?

Lorsqu'on parle d'innovation, bien des entrepreneurs ont peur d'y laisser leur chemise.

C'est un mythe, d'après François Norris-Paquette, directeur développement PME à la Banque Nationale, succursale du complexe Desjardins.

«Innover au Québec, ça ne coûte pas grand-chose, affirme-t-il. Les entreprises peuvent avoir des crédits d'impôt pour la recherche et développement. Nous leur avançons même l'argent qu'ils récupéreront à la fin de l'année en crédit d'impôt.»

Qu'arrive-t-il si le gouvernement refuse d'accorder les crédits d'impôt pour un projet d'innovation?

«On peut regarder le programme fédéral de prêts aux petites entreprises, indique M. Norris-Paquette. On peut financer jusqu'à 90% d'un investissement en équipement avec ça. L'entrepreneur doit donner seulement 25% en garantie. Le prêt peut aussi servir à construire une nouvelle salle pour l'équipement et à former les employés. Les taux d'intérêt sont très raisonnables.»

Faire ses devoirs

Par contre, pour être accepté à ce programme, il faut présenter un plan d'affaires solide.

«On l'analysera, on regardera le risque et le crédit de l'entreprise. Il faut respecter le ratio équité/dette qui doit demeurer environ du trois pour un. On s'assure que l'entreprise sera capable de rembourser et qu'elle demeurera rentable. On regardera aussi les comparatifs avec l'industrie: ce que les entrées d'argent entrainent comme bénéfices», explique M. Norris-Paquette.

Si la rentabilité d'un projet d'innovation est si difficile à évaluer avant coup, c'est parce que cela dépend de plusieurs facteurs.

«Si on achète une machine qui emballe 600 fois plus rapidement, ça ne veut pas dire qu'on emballera véritablement 600 fois plus rapidement. Pour le faire, il faut former ses employés. Il faut aussi avoir suffisamment de commandes. Il faut faire des efforts dans différents domaines et il faut tout documenter pour réussir à obtenir du financement», affirme François Norris-Paquette.

Ygal Bendavid croit aussi qu'adapter ses façons de faire en fonction d'une innovation est capital pour en voir tous les bénéfices.

«Une innovation a souvent des impacts sur une série d'activités. On ne peut pas improviser. Plusieurs modèles existent pour prévoir les changements à apporter. Des consultants peuvent aider, mais l'idéal est de former aussi des gens à l'interne», affirme-t-il.

Pour arriver à bien prévoir les impacts d'une innovation, une entreprise doit d'abord bien se connaître.

«Or, souvent, un entrepreneur ne sait pas par exemple combien de temps s'écoule entre le moment où il reçoit une commande et le moment où le produit est envoyé, remarque M. Bendavid. C'est bien de commencer par regarder les différents volets de ses activités.»

Pour sa part, Lionel Dimitri a réalisé que généralement, l'innovation coûte plus cher que prévu.

«Il y a toujours des imprévus. Maintenant, je fais toujours mon budget pour une innovation et je le multiplie par deux! Avant de me lancer, je fais une étude rapide des coûts et bénéfices et je m'assure aussi que je verrai les bénéfices assez rapidement pour ne pas être étranglé», affirme celui dont l'entreprise a gagné le prix Dunamis 2010 de la chambre de commerce et d'industrie de Laval, dans la catégorie Innovation.

Pour évaluer la faisabilité de son projet et ses options de financement, François Norris-Paquette conseille aux entrepreneurs de rencontrer leur banquier.

«Nous connaissons tous les organismes qui peuvent s'agglutiner pour financer un projet. Nous faisons le lien.»

L'OPINION DE L'ENTREPRENEUR

Alain Lemaire

Président et chef de la direction de Cascades inc.

Il y a, bien sûr, les coûts de développement et les coûts de commercialisation. L'innovation coûte cher? Pas lorsqu'on parle d'amélioration continue et de mise en place d'idées pour réduire les coûts. Voici un exemple parmi plusieurs. Le tremble était une espèce méprisée. Quelqu'un a pensé à l'utiliser dans la fabrication de palettes. Il a innové, il a développé un marché pour un matériau à bas coût. L'innovation, c'est souvent une petite amélioration qu'on n'a pas considérée comme telle, mais qui en est une. La PME pense que l'innovation n'est pas pour elle, qu'elle est réservée aux grandes entreprises. Il faut démystifier l'innovation.