C'est une compétition pour âmes bien trempées : l'échec est la norme dans le concours universitaire de drones autonomes International Aerial Robotics Competition.

La dernière mission proposée aux concurrents est tellement ardue qu'elle en est à sa cinquième édition : aucune équipe n'a encore réussi à la remplir.

« Chaque mission est proposée dans le but d'améliorer l'état de l'art de la robotique aérienne », explique Eva Terriault, étudiante en génie informatique et directrice administrative de la société technique Élikos de Polytechnique Montréal.

« Ce sont des missions qu'on ne peut pas résoudre avec des technologies actuellement sur le marché. »

- Eva Terriault, étudiante en génie informatique et directrice administrative de la société technique Élikos de Polytechnique Montréal

C'est dire l'innovation que doit y insuffler l'équipe Élikos.

LE DÉFI

Élikos est un drone muni de quatre hélices, d'un ordinateur de bord, d'un altimètre au laser et d'une série de caméras qui lui permettent de se repérer dans l'espace.

L'appareil n'est pas télécommandé et la géolocalisation au GPS lui est interdite.

De manière totalement autonome, l'appareil doit guider au-delà d'une ligne de but 4 des 10 aspirateurs-robots qui se déplacent aléatoirement sur une grille quadrillée de 20 mètres sur 20 mètres.

Le drone modifie la trajectoire des aspirateurs en touchant un interrupteur sur leur dos - ce qui lui imprime un virage de 45° - ou en se posant devant lui, la collision le faisant virer de 90°.

Pour compliquer la chose, l'appareil doit éviter quatre aspirateurs-robots munis de tubes verticaux, qui parcourent le territoire.

En d'autres mots, ce chien de berger volant a 10 minutes pour mener 4 moutons sur 10 à la bergerie en évitant 4 loups rôdeurs.

L'ÉQUIPE

Formée en 2013, l'équipe Élikos réunit une quinzaine d'étudiants en génie électronique, mécanique, informatique et logiciel.

Leur budget varie entre 15 000 et 25 000 $, selon les années, pour moitié fourni par l'école.

Chaque progrès est une victoire durement méritée. « La première année, Élikos a réussi à faire un décollage et un atterrissage de façon autonome, indique le directeur général Christophe Bourque-Bédard. La deuxième année, on a réussi à suivre un robot de façon autonome. La troisième année, on a travaillé fort sur la localisation. »

Sur les murs de leur minuscule atelier, à peine plus grand qu'une armoire à balais, un cimetière de pièces brisées et de drones défunts témoigne de la difficulté de la tâche.

Élikos est arrivé en tête du classement nord-américain en 2014 et 2015, et en deuxième place en 2016, avec en prime le prix du design le plus innovant.

En 2017, l'équipe voulait tenter le grand coup.

DÉFI 2017

L'équipe s'est attachée à améliorer l'exécution de trajectoire, l'évitement d'obstacle et la détection des cibles - un bond en avant qui devait les mettre en nette avance sur les concurrents.

« On prend les images, on traite les pixels, on applique plusieurs transformations morphologiques ou de segmentation de couleurs, et on extrait des points caractéristiques », résume sobrement Pierre-Yves Lajoie, directeur technique d'Élikos.

L'enfance de l'art !

Les étudiants doivent trouver les formules et les algorithmes et les traduire dans une programmation performante.

Et lorsqu'ils se creusent la cervelle pour résoudre ces énigmes, le font-ils devant un écran d'ordinateur, une feuille de papier ?

« Devant le tableau blanc, ici », répondent-ils dans un synchronisme parfait en désignant le tableau accroché au mur, derrière le journaliste. Ah ! bien oui, tiens...

« Tous en équipe, assis en demi-cercle, avec quelqu'un qui dessine », précise Pierre-Yves.

« La personne qui a le problème énonce le problème, l'explique aux autres », poursuit Christophe

« C'est vraiment ensemble qu'on réussit à faire des choses », complète Eva.

On le croit sans peine.

LE CONCOURS

« Tout ça a fonctionné en laboratoire avant d'aller en compétition », relate Christophe.

De 20 à 30 équipes internationales participent au concours, qui se tient simultanément à Atlanta pour le volet nord-américain et en Chine pour le volet asiatique.

Malheureusement, les succès de laboratoire ne sont pas répétés en juillet.

Un élément de la ceinture de protection s'était rompu durant le transport - 18 heures de route depuis Montréal ! - et ils ne s'en sont aperçus que lors du premier vol.

Lors du deuxième vol, l'appareil a dévié vers la gauche dès le décollage plutôt que s'élever verticalement. « Il ne savait pas où il était », explique Christophe.

Malgré une réinitialisation et une calibration en catastrophe, ils ne réussissent pas à faire mieux lors des essais suivants.

Dans le grand gymnase ensoleillé par de vastes fenêtres, le violent éclairage avait aveuglé Élikos.

PERSÉVÉRANCE

Trois mois après la compétition, l'équipe Élikos s'est remise à l'ouvrage... avec enthousiasme !

« On espère en 2018 faire passer la ligne à un robot », énonce Christophe. Et peut-être même guider quatre autres moutons pour compléter le volet A de la mission.

Car il y a un volet B, dans lequel deux équipes vont s'affronter simultanément sur une même grille, chacune devant mener les cinq robots d'une même couleur dans sa bergerie.

Mais notre trio n'aura sans doute pas le temps d'y parvenir ?

« On l'espère ! », protestent-ils ensemble.