Claude Cormier est méconnu du public. Pourtant, l'empreinte de cet architecte paysagiste est visible un peu partout à Montréal. On lui doit entre autres l'implantation des 170 000 boules roses qui surplombent la rue Sainte-Catherine, dans le quartier gai, de même que la plage et ses parasols bleus sur le quai de l'Horloge, dans le Vieux-Montréal ou encore le réaménagement du square Dorchester, à la place du Canada.

Sans oublier cette forêt insolite de 52 arbres roses en béton plantée au Palais des Congrès, l'un de ses premiers projets d'importance et parmi ses préférés. « C'est un projet-école qui m'a ouvert des portes », dit celui qui conjugue nature et urbanité et se défend bien d'être un artiste. « Je n'ai pas cette prétention. Mais j'ai la volonté d'amener un esthétisme, une dimension artistique dans le processus de solutions à des problèmes urbains », précise-t-il.

Voilà sans doute pourquoi Claude Cormier s'est installé dans un bâtiment noir en forme de cube, à l'ombre des cheminées de l'imposant incinérateur des Carrières qui crachait ses cendres à une autre époque, et à deux pas du parc Laurier. Sur l'immense mur de ses bureaux, les nombreux dessins des projets en cours ou à venir témoignent du travail qu'il reste à accomplir pour réinventer les paysages urbains.

On y voit l'aménagement qui entoure le futur monument national de l'Holocauste à Ottawa. Il y a aussi Berczy Park, dans un quartier de Toronto situé derrière l'historique Flatiron building qui comprend une fontaine composée de chiens qui crachent de l'eau. Sa petite équipe d'architectes paysagistes planche aussi sur l'aménagement du jardin Frédéric-Back, sur le toit du Musée des beaux-arts de Montréal.

EN PPP

« On n'est pas près de chômer », note Claude Cormier, dont le téléphone n'arrête pas de sonner. Mais son emploi du temps l'oblige à refuser plusieurs projets. Et à faire régulièrement la navette entre Montréal et Toronto, là où la firme génère environ 80 % de ses revenus. 

« J'aimerais bien travailler plus à Montréal, au Québec, mais ce n'est pas facile. »

- Claude Cormier, qui précise que plusieurs projets lancés ici sont longtemps retardés ou avortent même en cours de route, après avoir fait l'objet d'études après études

Il cite en exemple la remise en valeur du parc Jean-Drapeau pour souligner le 50anniversaire d'Expo 67 et le 375de Montréal, à laquelle travaillaient Claude Cormier et la firme d'architecture Daoust Lestage, qui est finalement tombée à l'eau.

Autre contrainte : la politique du plus bas soumissionnaire qui vise à réduire les coûts des projets. À Toronto, « les systèmes d'attribution de contrat tiennent aussi compte de la qualité du travail et de la valeur ajoutée du design dans un projet », souligne Claude Cormier. Sans compter que la firme doit aussi subvenir à ses besoins. « On est "inc.", on est une entreprise qui doit être capable de se tirer d'affaire. »

Claude Cormier travaille d'ailleurs en PPP, ce qui n'a toutefois rien à voir avec le concept de partenariat public-privé. Le sigle, qui signifie plutôt People-Project-Profit, fait plutôt référence aux critères d'évaluation des projets sélectionnés par la firme. « On choisit en fonction des gens avec qui on travaille, de l'intérêt du projet et de ses retombées économiques, non seulement pour nous, mais aussi pour le client et la communauté », précise-t-il. Le projet de boules roses, par exemple, a contribué à « revitaliser un quartier qui se dégradait économiquement et socialement ».

EN PAYS DE CONNAISSANCE

Claude Cormier fait sa marque à Toronto depuis près de 15 ans. Il y a d'abord implanté une plage urbaine aux abords du lac Ontario. Il a aussi créé un paysage urbain pour une tour de condos de luxe de 58 étages située au pied de la tour du CN et du Centre Rogers. Il a plus récemment collaboré au réaménagement des espaces publics extérieurs du Musée royal de l'Ontario.

Il y est d'ailleurs en pays de connaissance. Il a décroché un diplôme en architecture de paysage à l'Université de Toronto, après l'obtention d'un baccalauréat en agronomie à l'Université de Guelph. « Mon rêve, c'était d'inventer une nouvelle fleur », explique ce fils d'agriculteurs qui a grandi sur une ferme laitière et une érablière de Princeville. « J'ai grandi à la campagne. Pour moi, la nature, c'est une ressource, une façon de gagner sa vie. »

Après ses études, il rentrait à Montréal avec l'intention d'insuffler une nouvelle dose de créativité à la profession d'architecte paysagiste. Mission accomplie : un magazine spécialisé britannique l'a récemment inclus dans sa liste des 30 firmes mondiales qui repoussent les paramètres de cette profession. Une affirmation qui trouve écho auprès de Normand Laprise, chef propriétaire du restaurant Toqué !, qui admire aussi « son style contemporain et ses idées hors du commun ».

CLAUDE CORMIER + ASSOCIÉS EN UN COUP D'OEIL

FONDATION : 1995

FIRME D'ARCHITECTURE DE PAYSAGE ET DE DESIGN URBAIN

SIÈGE SOCIAL : MONTRÉAL

NOMBRE D'EMPLOYÉS : 9