L'an dernier, les petites entreprises craignaient les effets du nouveau taux d'imposition au Québec, qui est passé cette année de 18,5 % à 22,3 % pour celles qui ne comptent pas 5500 heures rémunérées. Cette année, c'est la révision fiscale d'Ottawa qui les fait grincer des dents.

MOINS D'EMPLOI

Parmi les mesures proposées dans le cadre de sa réforme fiscale, Ottawa voudrait imposer les revenus de placement des PME plutôt que d'attendre l'encaissement des profits pour taxer ces sommes. Sauf que cet argent sert généralement aux entrepreneurs à réinvestir dans leur entreprise.

« On ne met pas cet argent dans nos poches. C'est de l'argent pour créer de la richesse. Et pour nous, comme pour d'autres entreprises, ce sera plus difficile de créer de l'emploi si le gouvernement va de l'avant avec cette mesure », dit Martin Fortier, associé au cabinet d'avocats De Chantal D'Amour Fortier, à Longueuil.

TAUX PME

L'élimination par Québec du taux réduit pour les PME qui n'accumulent pas 5500 heures est préoccupante, aux yeux de Martine Hébert, vice-présidente principale de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI).

« On a fait part de nos craintes au gouvernement. Cette mesure vient enlever de la progressivité dans le système fiscal des entreprises. On espère encore que le gouvernement se ravisera. »

 - Martine Hébert, vice-présidente de la FCEI

Au Québec, le taux d'imposition des PME est déjà plus de deux fois plus élevé que la moyenne canadienne, même au taux réduit, à 8 % contre 3 %.

RÉFORME NUISIBLE

La révision fiscale d'Ottawa est la mesure qui inquiète le plus les experts et les PME.

« L'approche au fédéral est plus costaude et plus musclée que celle du provincial, dit Martine Hébert. Et elle fera beaucoup plus mal. »

Selon un sondage de la FCEI, 95 % des propriétaires d'entreprise sont d'accord pour dire que les modifications fiscales proposées par le gouvernement fédéral nuiront aux propriétaires de PME et à leur famille. Et plus de 88 % d'entre eux estiment que les modifications fiscales proposées entraveront la croissance et la création d'emplois dans leur entreprise.

MESURES PROPOSÉES

La réforme d'Ottawa viendrait notamment limiter la possibilité qu'ont les patrons de PME de partager leurs revenus avec les membres de leur famille. Selon la FCEI, cette mesure toucherait les deux tiers des chefs de PME canadiens.

La révision fiscale réduirait également la capacité qu'ont les patrons de PME de garder certains investissements dans leur entreprise afin d'avoir un coussin de sécurité financière. Cette mesure toucherait la majorité des entreprises, puisque seuls 31 % des propriétaires de PME disent ne pas détenir de placements passifs.

« Pourquoi se casser la tête à créer de la richesse et de l'emploi ? Avec de tels changements fiscaux négatifs, peut-être que les entrepreneurs devraient devenir des employés. »

- Martin Fortier, associé au cabinet d'avocats De Chantal D'Amour Fortier

MAL CIBLÉE

La FCEI estime que le gouvernement devrait cibler davantage ses mesures.

S'il désire réduire l'utilisation de stratagèmes particuliers par un nombre restreint de professionnels, le gouvernement devrait alors prendre des mesures qui ciblent plus particulièrement les entreprises qui les emploient, non pas l'ensemble des PME, estime Mme Hébert.

« La réforme, telle qu'elle est actuellement, viendrait punir même les entrepreneurs qui utilisent les outils de planification fiscale de façon honnête, dit Martine Hébert. Plutôt que d'arracher les trois plants de tomates pourris, on veut passer la charrue dans le champ au complet. »

CONSÉQUENCES

Au bout du compte, la réforme fiscale d'Ottawa pourrait avoir des conséquences négatives non négligeables en termes d'imposition sur les entreprises, explique Mathieu Huot, fiscaliste et planificateur financier pour la Financière des professionnels.

Plusieurs professionnels, notamment, ont des craintes relatives à la rentabilité et à la raison d'être de leur société si les mesures proposées sont adoptées dans leur intégralité.

COMMENT PRÉVOIENT-ILS RÉAGIR ?

« Une réduction des dépenses sera nécessaire pour beaucoup de ces sociétés, qui envisagent différentes solutions, dit Mathieu Huot. Cela pourrait vouloir dire un non-renouvellement d'équipement, une restriction des heures d'ouverture ou une réduction du nombre d'employés. »

 %

Proportion des propriétaires d'entreprise qui estiment que les modifications fiscales proposées par Ottawa auront une incidence importante sur leur entreprise.

95 %

Proportion des praticiens en fiscalité qui estiment que le système fiscal sera encore plus compliqué après la réforme d'Ottawa et qu'il en coûtera encore plus cher aux PME pour se conformer aux règles.

Source : FCEI

Photo François Roy, La Presse

Martine Hébert, vice-présidente principale de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

Photo Alain Roberge, La Presse

Martin Fortier, associé au cabinet d'avocats De Chantal D'Amour Fortier