En août dernier sur une piste bordant la mer du Nord, le véhicule, sorte de voilier terrestre mû par une éolienne, a filé plus vite que le vent. Littéralement. Et vent debout, au surplus.Chinook 7, conçu et construit par une vingtaine d'étudiants en génie de l'École de technologie supérieure (ETS), a atteint le niveau record d'efficacité de 102,45 % sur 500 mètres. En d'autres mots, sa vitesse était supérieure à celle du vent.

« Avec un vent de 20 km/h, on roulait à environ 21 km/h », décrit Cédric Leclerc, directeur technique de l'équipe.

Cette performance a permis au Chinook 7 de prendre la première place de la compétition internationale de véhicules éoliens Racing Aeolus 2017, qui s'est déroulée à Den Helder, aux Pays-Bas, du 24 au 26 août.

UNE ÉOLIENNE MÉCANIQUE

Chinook n'est pas un véhicule électrique. 

La rotation de ses pales est transmise mécaniquement aux roues motrices, par l'intermédiaire d'un enchaînement d'arbres, boîte de vitesses et transmission.

Le châssis monocoque, soigneusement caréné, est moulé en fibre de carbone. Son pilote est couché sur le dos, sous une longue verrière en goutte d'eau. 

L'éolienne de 2 mètres de diamètre, cerclée de son anneau diffuseur, est automatiquement orientée au lit du vent par le système de gestion électronique embarqué.

Le calage des pales est variable : leur angle d'attaque peut être ajusté en cours de route par le pilote. 

Cet effet se combine au jeu de la boîte à 14 vitesses, dont les changements sont contrôlés à l'aide de commandes au volant. 

Bref, Chinook est un condensé de technologies...

COMME UNE PME

Chaque année, le club Chinook s'engage dans une course contre le temps et les difficultés techniques, qui est aussi un défi d'organisation - en somme, une petite école de PME.

Il compte trois bataillons : mécanique, électronique... et administratif.

Photo ÉTS

L'équipe Chinook 7 à l'oeuvre.

Car il faut coordonner les efforts, trouver le financement, rallier des commanditaires, pour finalement réussir à envoyer un encombrant véhicule et 13 coéquipiers aux Pays-Bas. 

Le groupe administratif gère un budget annuel de 100 000 $, incluant matériaux et commandites diverses, dont 30 000 $ en liquidités.

Au retour de la compétition estivale, au début de la session d'automne, le groupe administratif réunit les coéquipiers pour établir les objectifs de la prochaine année. 

« On parle des problèmes qu'on a eus durant la compétition, ce qu'on voudrait améliorer », décrit le capitaine du club, Laurent Émond-Girard. « On décide alors de la direction stratégique de l'équipe. Il y a ensuite une période de conception qui s'échelonne jusqu'à Noël, et après Noël, on commence la fabrication. » 

Ensemble, la vingtaine de coéquipiers consacreront environ 10 000 heures au projet. 

CROISSANCE ANNUELLE

La croissance ? Elle naît de l'ambition de faire mieux, de parfaire l'engin, année après année. Car chaque nouvelle équipe progresse sur les brisées de la précédente.

Le club Chinook a été fondé en 2009, et son premier modèle a couru deux ans plus tard.

La deuxième plateforme, nettement plus aérodynamique, a fourni cinq prototypes.

Photo Édouard Plante-Fréchette, La Presse

Laurent Emond-Girard, capitaine, et Cedric Leclerc, directeur technique de Chinook 7.

Le plus récent modèle, qui vient de remporter la palme, est présentement dans un conteneur, de retour d'Europe.

Dans l'atelier du club, Cédric Leclerc retire la transmission du modèle de l'année précédente pour montrer les améliorations qui lui ont été apportées. L'équipe de mécanique a placé une partie de la transmission à la verticale, ce qui lui a permis de retirer une boîte d'engrenage, donc de gagner en efficacité. 

« C'est vraiment dans les petits détails qu'on va chercher l'optimisation. » 

- Cédric Leclerc

Pour sa part, il s'était consacré à la conception de la nouvelle coque en fibre de carbone. Il a abaissé sa silhouette de 20 cm, l'a élargie pour intégrer le train avant à l'intérieur du carénage. 

Résultat, il a ramené le coefficient aérodynamique de 0,45 à 0,15 - une amélioration de rendement de 10 %.

Parce qu'en plus, il connaît l'aérodynamique ? 

« J'ai eu un cours de mécanique des fluides qui m'a donné les bases, et ensuite, ce n'est que de la recherche personnelle », répond-il. Chaque coéquipier s'investit de la sorte.

EN ÉQUIPE AVEC L'INDUSTRIE

Pour effectuer le moulage de la coque, Stelia Aerospace leur a permis d'utiliser son four autoclave. « C'est une des seules compagnies au Québec qui avaient un four assez grand pour accueillir notre pièce, explique Cédric. Une coque de 3 mètres de long, c'est difficile à loger. » 

Les étudiants sont allés jusqu'à concevoir deux profils de pales, l'un pour les grands vents, un autre pour les vents faibles. 

L'intrados et l'extrados de la pale sont moulés en fibre de carbone, puis assemblés à la colle et injectés d'une résine chargée de microsphères d'aluminium, pour accroître son inertie. 

Cette résine a été conjointement mise au point avec un de leurs fournisseurs commanditaires, Polymères Technologies.

« C'est un produit qui n'existait pas, signale Cédric. Ils se sont rendu compte qu'il y avait un marché pour ça et ils ont gardé le produit sur leurs tablettes. » 

ET IL VENTAIT DEVANT MA PORTE

Achevant leurs études, Cédric et Laurent entament leur dernière année dans l'équipe Chinook. Leur tâche consistera d'abord à passer le témoin aux plus jeunes. 

« Cette année, quatre anciens membres vont s'en aller, indique Laurent. Ça prenait de la relève. » 

Cédric s'était spécialisé dans la fibre de carbone. Laurent était un expert en usinage de pièces mécaniques. « Il faut leur apprendre avant qu'on parte. » 

Ce sont amis que vent emporte

Et il ventait devant ma porte

Les emporta

- Rutebeuf

Photo Édouard Plante-Fréchette, La Presse

Cédric Leclerc, directeur technique de Chinook 7.