Il y a 30 ans, Norman Grant s'est lancé dans la fabrication de machines amphibies pour décontaminer les cours d'eau « avec les sous de [son] cochon », s'amuse-t-il à raconter.

L'entrepreneur voyait grand. Son terrain de jeu, c'était la planète, son créneau, l'environnement.

« Notre première expérience à Shanghai n'a pas été particulièrement heureuse », raconte le président de Normrock Industries, à Terrebonne. Nous avions perdu 30 % de la valeur du contrat. »

Peu habitué à faire des affaires avec des clients de l'étranger, il n'avait pas exigé d'être payé avant d'expédier la lourde machine en Chine.

« Nous avons appris de nos erreurs, assure-t-il. Depuis ce temps, pas un boulon, pas un écrou produit à notre usine ne quitte le pays si notre client ne nous garantit pas qu'il a les moyens de payer, par une lettre de crédit de sa banque ou au moyen d'un transfert bancaire. »

UN MARCHÉ D'EXPORTATION

Cette rigueur administrative n'a pas refroidi les ardeurs de ses clients, bien au contraire. À preuve : le carnet de commandes à l'international n'a jamais cessé de se gonfler.

Il faut comprendre, également, que la PME de la région de Lanaudière se trouvait dans le bon marché, au bon moment.

« À la fin des années 80, observe Norman Grant, on parlait beaucoup d'environnement. On prenait conscience de l'importance de préserver nos cours d'eau. »

« On a pris les devants et il faut croire que nous avons fait les bons choix, ajoute-t-il. Nous avons des concurrents allemands et finlandais, mais nous estimons être les seuls au monde à fabriquer un aussi large éventail de machines pour la décontamination, le dragage et pour briser les glaces. »

Cela l'amène à voyager à travers le monde pour aller rencontrer les clients, actuels et potentiels, qui veulent acheter ces machines imposantes - les Amphibex -, dont le prix unitaire varie de 1,5 à 6 millions US.

Il se retrouve tantôt en Colombie, tantôt en Jordanie, tantôt encore en Russie, pour négocier des contrats avec des clients - des villes, des gouvernements - aux prises avec des problèmes sévères liés à la contamination de leurs sources d'eau potable.

« Nous évoluons dans une business qui nous oblige à être plus sensibles face aux enjeux environnementaux de la planète », fait-il valoir.

« Nous exportons 95 % de notre production à l'étranger. Nous sommes présents sur tous les continents. » 

- Norman Grant

NUL N'EST PROPHÈTE EN SON PAYS

Et qu'en est-il du marché québécois ?

« Il n'y a pas de développements à venir de ce côté, déplore le président. Ça ne semble pas être la priorité. »

En Alberta, à titre d'exemple, le fabricant a livré sept machines amphibies. Le Manitoba dispose de quatre Amphibex pour briser les glaces - des machines qui ont la forme de véritables grenouilles mécanisées - sur la rivière Rouge.

Le Québec ne possède aucune de ces machines aux mâchoires puissantes.

« C'est décevant, laisse tomber l'ex-opérateur de machinerie lourde. Les clients qui nous visitent nous demandent de voir nos machines quand ils viennent au Québec, mais il n'y en a pas. C'est gênant. »

Encore plus ironique : quand on craint un embâcle en raison du gonflement des glaces, entre autres sur la rivière Châteauguay, le gouvernement fait appel à une firme du Nouveau-Brunswick, qui possède une des machines fabriquées par l'entreprise de Terrebonne.

La « grenouille » parcourt ainsi des centaines de kilomètres à bord d'un camion-remorque, avant d'arriver à destination.

FICHE TECHNIQUE DE LA SOCIÉTÉ

FONDATION DE L'ENTREPRISE : 1987

CHIFFRE D'AFFAIRES : 10 à 15 millions

NOMBRE D'EMPLOYÉS : 60

DIRECTION : Norman Grant, sa femme Louise, leurs fils Dany et Jimmy.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Norman Grant, 73 ans, ne songe pas à la retraite. « Je n'ai pas le temps de vieillir ! », dit-il à propos de son âge.