Un détaillant qui ouvre une boutique n'a évidemment rien d'inhabituel. Sauf dans le cas de Frank & Oak, ce créateur montréalais de vêtements pour hommes qui a d'abord fait sa marque sur le web. Mais pour cette jeune entreprise qui incarne l'image même d'une nouvelle génération de détaillants, l'objectif reste le même.

« Notre volonté est toujours de rassembler une communauté autour d'une expérience de magasinage différente », commente Ethan Song, cofondateur et président de Frank & Oak, qui conçoit et fabrique sa propre collection de vêtements dans le quartier nouvelle vague du Mile-End, où se côtoient autres designers et artistes.

Il y a 10 jours, Frank & Oak inaugurait une boutique en plein centre-ville de Montréal. L'établissement, qui se déploie sur trois étages et plus de 5200 pieds carrés, se veut une nouvelle vitrine pour présenter les collections de cette entreprise de mode qui souhaite y offrir la même approche personnalisée et interactive que sa boutique virtuelle. Les clients ont ainsi accès à leur historique d'achats et à leur profil de style, et pourront recevoir leurs achats directement à la maison si leur taille n'est pas disponible en magasin. Ils peuvent aussi profiter de rencontres sur rendez-vous avec des stylistes dans un espace lounge prévu à cette fin. La boutique compte également un salon de barbier et un café servant pâtisseries et sandwichs.

Or, pendant que des détaillants de mode ferment leurs magasins les uns après les autres ou déclarent forfait, Frank & Oak parie plutôt sur sa réussite.

« Les habitudes d'achat changent, et le rôle de la boutique également. Elle doit s'adapter aux besoins de la clientèle. »

- Ethan Song, précisant qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une centaine de boutiques comme à la belle époque 

Il cite l'exemple des boutiques Apple, qui réunissent aussi une communauté d'utilisateurs en offrant une nouvelle expérience de magasinage qui allie ventes et conseils.

UNE ENTREPRISE DU XXIe SIÈCLE

Frank & Oak est d'ailleurs l'exemple parfait d'une entreprise du XXIsiècle, constate le chef cuisinier Ricardo Larrivée. La griffe montréalaise a en effet utilisé « le pouvoir des réseaux sociaux et du commerce en ligne pour créer une entreprise dont les frontières physiques n'existent plus. En peu de temps, elle a réussi à imposer non pas simplement une marque de vêtements, mais bien un style de vie Frank & Oak. Bien des entreprises ayant de gros moyens y rêvent, sans jamais vraiment réussir », souligne celui qui a su lui-même bâtir une marque reconnue grâce à ses magazines et émissions de télé.

Fondée il y a seulement trois ans, Frank & Oak a su transformer le modèle de vente au détail traditionnel en utilisant la technologie pour faciliter le magasinage en ligne et mobile à une nouvelle génération d'acheteurs. « On s'adresse particulièrement aux hommes de 25 à 35 ans, qui travaillent dans les milieux du marketing et de la technologie, qui ont grandi avec des ordinateurs et qui ne voyaient pas l'intérêt d'aller magasiner », explique Ethan Song, qui a lancé l'entreprise en compagnie d'un copain du secondaire, Hicham Ratnani.

« On avait le rêve de créer une entreprise ensemble », précise M. Song, qui est né en Chine, a grandi à Montréal et fait des études au Collège Dawson avant d'aller décrocher un diplôme en génie à l'Université de la Colombie-Britannique. Il était consultant en stratégie corporative chez Deloitte avant de se lancer lui-même en affaires.

2 MILLIONS DE MEMBRES

Le succès de la société, qui a récemment été nommée parmi les 10 entreprises de vente au détail les plus innovatrices par Fast Company, repose aussi sur la création d'un buzz autour de la marque. La communauté de Frank & Oak compte 2 millions de membres aux quatre coins de la planète. L'entreprise ne dévoile pas son chiffre d'affaires, ni le nombre de commandes de vêtements qu'elle traite mensuellement. Mais « une grande partie de nos ventes se fait par l'entremise de téléphones portables et de notre application qui compte 500 000 utilisateurs », indique Ethan Song.

L'entreprise s'est aussi rapidement trouvé une niche aux États-Unis, où les ventes représentent 70 % de ses revenus. Des articles élogieux, dans des magazines américains pour hommes comme GQ et Esquire, ont contribué à ce succès en sol américain, où l'entreprise vient aussi d'ouvrir deux boutiques, à Boston en mai et Chicago en juillet. Frank & Oak prévoit avoir pignon sur rue dans d'autres grandes villes américaines l'an prochain. Elle compte sept autres magasins au Canada qui ont ouvert leurs portes à l'automne 2014.

L'ouverture de boutiques permet aussi à Frank & Oak d'élargir sa clientèle, notamment auprès des... femmes ! « Les magasins attirent plus de copines, de mères, qui sont à la recherche de cadeaux, que le site web », constate Ethan Song. La nouvelle boutique montréalaise se veut aussi un lieu d'échanges alors qu'un espace-conférence et un bar sont mis à la disposition d'entrepreneurs qui souhaitent se rencontrer ou y tenir des événements.

FRANK & OAK EN UN COUP D'OEIL

CRÉATION : 2012

FONDATEURS : ETHAN SONG ET HICHAM RATNANI

CRÉATEUR ET DÉTAILLANT DE VÊTEMENTS ET ACCESSOIRES POUR HOMMES

SIÈGE SOCIAL : MONTRÉAL

NOMBRE D'EMPLOYÉS : 150

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, archives LA PRESSE

Ethan Song est cofondateur et président de Frank & Oak.