Diplômés respectivement de la Harvard Business School et de la London Business School, Ben Poirier et Martine Turcotte ne tarissent pas d'éloges pour leur expérience internationale. Pourtant, rares sont les Québécois qui s'exilent pour obtenir un Master in Business Administration.

Rareté

Puisqu'il est conseillé d'avoir de cinq à dix ans d'expérience sur le marché du travail avant d'entreprendre un MBA, les étudiants sont souvent à un stade de leur vie où il est plus complexe de partir dans un autre pays.

« À cet âge, on a souvent un conjoint et des enfants à considérer, précise Jean-Luc Geha, président de l'Association des MBA du Québec. Puis, un MBA, c'est hyper exigeant. On ne fait pas ça en dilettante. On est entouré de gens au caractère fort et très compétitifs. Si on ajoute à cela l'adaptation à un nouveau pays, ça peut être difficile. »

Il estime qu'à peine 5 % des 34 000 diplômés québécois au MBA ont obtenu leur diplôme à l'extérieur du Canada.

Investissement rentable

Les trois pays les plus prisés des Québécois sont les États-Unis, l'Angleterre et la France. Les étudiants qui s'y rendent doivent donc ajouter les frais de transport et d'hébergement, ainsi qu'un taux de change souvent désavantageux, aux dépenses liées au MBA, déjà dispendieux.

Ben Poirier ne regrette pourtant pas d'avoir investi 55 000 $ pour un programme intensif à Harvard. L'université s'est classée au premier rang pour les programmes de MBA en 2014.

« Quand je suis allé en 2003, j'avais trois enfants âgés de 6 mois, 2 ans et 4 ans. Ma conjointe s'en est occupée seule pendant trois mois. C'était difficile. Mais j'en suis très reconnaissant. »

Lorsqu'il a terminé, il avait des offres de Londres, de Toronto et de Québec.

« Le diplôme m'a fait avancer de 10 ans. J'ai eu accès à des postes de direction plus rapidement. Je remplaçais des gens de 10 à 20 ans plus âgés que moi. Et j'avais un salaire jusqu'à 25 % plus élevé que ceux d'amis vice-présidents du même âge », explique celui qui a dirigé des projets d'envergure pour des dizaines d'entreprises, en plus d'enseigner à Polytechnique.

Diversité payante

Martine Turcotte affirme que les 40 000 $ dépensés pour son programme à Londres, entre 1986 et 1988, représentent le meilleur investissement de sa vie.

« Avec un baccalauréat obtenu au Québec et mon expérience dans un cabinet juridique national, je connaissais le contexte nord-américain, relate l'actuelle vice-présidente Québec chez Bell. En faisant un MBA, je voulais une expérience internationale dans un centre mondial d'affaires. À la London Business School, la diversité des étudiants était un énorme atout. »

Seulement une douzaine d'étudiants sur 200 étaient originaires des États-Unis et du Canada.

« Les gens de mon équipe de travail venaient de l'Inde, du Japon, de la France, de l'Angleterre et des États-Unis. Et on avait des disciplines très différentes: banquier, ingénieur, artiste, journaliste et moi comme avocate. J'ai appris à être encore plus à l'écoute des gens. Quand un Japonais nous dit que notre idée ne fonctionnera pas dans son pays, on réalise qu'on a une vision très occidentale du monde des affaires. »

À son retour au Québec, elle a vite senti l'intérêt des employeurs pour son expérience à l'étranger.

« Ils voyaient que j'avais osé sortir de ma zone de confort et que j'avais une expérience internationale très utile. C'est une bonne façon de ressortir de la pile de CV. »

Visées internationales

Les MBA sont reconnus partout dans le monde, bien que leur prestige soit directement associé à l'université où il a été réalisé. Toutefois, la plus-value d'un diplôme étranger sera surtout considérée dans un contexte de travail international.

« C'est pertinent si on veut travailler à l'étranger ou si notre entreprise est versée sur le reste du monde, soutient Jean-Luc Geha. Des études à l'étranger nous permettent de mieux comprendre le pays où l'on va et de tisser des liens avec nos collègues de classe. »

Entraide

Lorsque Bell a créé une filière d'investissements étrangers, Martine Turcotte a profité de ses acquis en Angleterre.

« Quand je suis arrivée en Inde, j'ai appelé mon ancien collègue au MBA pour comprendre le fonctionnement du gouvernement et avoir des recommandations de banquiers et de cabinets juridiques. Je savais qu'il maîtrisait très bien le sujet et qu'il était fiable. Récemment, j'ai rendu la pareille à un entrepreneur des Pays-Bas qui voulait faire affaire au Canada. Ça va dans les deux sens. »

Ben Poirier envisage de profiter de son réseau lorsqu'il se lancera en affaires. « Quand j'aurai besoin de millions de dollars pour lancer mon projet, je vais avoir accès à du capital grâce à mes contacts. Lorsqu'on connaît des gens influents, on peut tout faire. Et Harvard nous apprend à penser planétaire. Tout est gros. Les revenus combinés des 90 gestionnaires avec qui j'ai suivi le programme intensif dépassaient les 500 millions. Le meilleur dans tout ça, c'est que ces gens demeurent simples et continuent de s'entraider. Si j'avais des difficultés, je pourrais envoyer un courriel à des anciens d'Harvard, sans qu'ils soient de ma cohorte, et j'aurais de l'aide très rapidement. Je suis très fier de faire partie de cette communauté. »