Durant les années 80, Claude Auger et Sylvie Chagnon ont tous deux quitté le Québec pour obtenir un MBA. Alors que l'avocat a passé un an à l'Université York à Toronto, l'administratrice de société a étudié 18 mois à l'Université de Moncton. Après cette expérience qu'ils ont appréciée, ils sont rentrés au Québec pour construire leur vie et leur carrière.

Immersion langagière

En sachant que certains étudiants s'exilent en Europe, en Asie ou aux États-Unis pour acquérir une meilleure compréhension des cultures étrangères, pourquoi sortir du Québec en allant simplement dans une province voisine ?

Selon Jean-Luc Geha, président de l'Association des MBA du Québec, l'envie de maîtriser l'anglais est l'une des motivations principales.

« Bien sûr, ils pourraient s'inscrire à McGill ou Concordia à Montréal, mais s'ils veulent vraiment parfaire une langue, vaut mieux aller dans une région où elle est parlée par la majorité. Aussi, l'expérience dans une autre province permet de mieux comprendre sa mentalité. Qu'on le veuille ou non, le Québec n'est pas l'Ontario ni l'Alberta.»

Parlez-en à Claude Auger, qui a vécu 12 mois dans la Ville Reine, grâce au programme conjoint des universités Laval et York. 

« Comme Toronto est beaucoup plus multiculturel que le Québec, j'ai été exposé à presque toutes les nationalités, dit l'avocat fiscaliste et associé chez Fasken Martineau. Là-bas, on réalise bien vite que même si on parle une langue commune, les mots ne veulent pas dire la même chose dans toutes les cultures. Il faut être confronté à ça. Ça nous force à voir les choses autrement et à mieux comprendre le monde.»

Globalisation des marchés

De son côté, Sylvie Chagnon a abouti à Moncton par un concours de circonstances. À la fin de son bac en commerce, avec concentration en comptabilité, elle a réalisé qu'elle voulait en apprendre davantage sur la finance, le marketing, les ressources humaines et tout ce qui ferait d'elle une bonne administratrice généraliste.

Elle a donc choisi de s'inscrire à la maîtrise en administration des affaires. Un programme que les dirigeants d'université réservent en priorité aux candidats possédant quelques années d'expérience sur le marché du travail. 

« En entrevue, on me disait que j'étais trop jeune, sans expérience, d'attendre un peu. Par chance, le doyen de l'Université de Moncton m'a téléphoné en me proposant une entente : je serais acceptée à condition de maintenir une excellente moyenne, sinon j'allais être mise dehors du programme après un semestre. J'ai accepté le défi et je suis partie dans ma petite Renault 5 jusqu'à Moncton ! »

Terminant le programme de deux ans en 18 mois, avec une bourse de mérite, Mme Chagnon affirme avoir été surprise par ce qui l'attendait dans la petite université du Nouveau-Brunswick. 

« Les étudiants venaient de l'Ouest canadien, de France, des pays d'Afrique du Nord et d'ailleurs. C'était enrichissant ! On était différents dans nos façons de penser et de travailler. Aujourd'hui, avec la globalisation des marchés, je ne tombe pas en bas de ma chaise quand je discute avec des Européens, des Africains ou des Asiatiques. J'avais déjà trempé dans ce monde-là.»

La planète à peu de frais 

Étudier dans une autre province canadienne permet donc de voir autre chose, sans dépenser autant que pour une année ou deux à l'étranger. « Aller dans un autre pays nécessite des permis d'études, des billets d'avion et plusieurs autres dépenses importantes, alors que la mobilité intracanadienne est très simple », explique Jean-Luc Geha.

Même si le coût de la vie à Toronto est très élevé, les frais de scolarité de l'Université York n'ont rien à voir avec les 50 000 $ ou les 60 000 $ demandés chaque année par certaines universités américaines. 

« J'ai déboursé une somme importante, mais c'était un bon investissement, affirme Claude Auger. Je ne pense pas que j'aurais pu être sur le comité national de gestionnaires de mon cabinet sans mon MBA et l'expérience que j'ai acquise là-bas. »

Subtilités culturelles

L'avocat raconte avoir développé une grande compréhension des gens, particulièrement lors du MBA à Toronto. Une habileté qu'il exploite tous les jours depuis. 

« Les gestionnaires ne peuvent pas monter dans les grandes sociétés s'ils ne sont jamais confrontés à des schèmes humains différents. Aujourd'hui, la réalité, c'est le monde. Il faut être sensible à un paquet de subtilités culturelles. Au Québec, combien de fois mes compatriotes prévoient des rencontres sans se préoccuper des fêtes religieuses et traditionnelles ? Pourtant, bien des gens bâtissent leur agenda en fonction de ça. C'est le contact avec d'autres qui t'amènent à réaliser ça. »

Sylvie Chagnon tient le même discours sur sa compréhension plus fine du reste du Canada. 

« En début de carrière, je passais des semaines ou des mois à Toronto, dit-elle. Je savais déjà que la culture était différente. En affaires, au Québec, on consulte énormément et il faut quasiment avoir la bénédiction du pape pour avancer. À Toronto, ils vont droit au but, sans niaiser. Ils font confiance aux experts et ils foncent. C'est la même chose dans l'Ouest canadien. Comme j'avais déjà évolué dans ce genre d'environnement, j'étais préparée à cela. »

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PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE-MONTREAL Portrait de Claude Auger pour un dossier sur ceux qui font le MBA hors du Quebec. -25 SEPTEMBRE 2015 #779142 PORTFOLIO AFFAIRES

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE-Montreal, Quebec- JEAN-LUC GEHA, EMBA, professeur invite, HEC Montreal pour dossier Portfolio MBA---JEUDI 25/09/2014---Reference # 704 923-Pour la section : CV/PORTFOLIO--30-