Fixe ou variable? Telle est la question, disait Shakespeare chaque fois qu'il devait renouveler son prêt hypothécaire.

Heureusement, les temps ont bien changé depuis que le Grand Will a imaginé Shylock, l'usurier du Marchand de Venise.

La plupart des institutions prêteuses offrent désormais la possibilité de choisir le beurre et l'argent du beurre avec un prêt en deux tranches, l'une portant taux variable, l'autre taux fixe. La taille de la tranche n'est pas forcément égale.

«C'est l'application du même principe qu'avec l'épargne, on diversifie le risque», explique en entrevue Nicolas Fréchette, chef de produits, financement hypothécaire chez Desjardins.

S'il y a baisse des taux, on en profite avec le volet variable mais, s'il y a hausse, le volet fixe permet de se protéger. Si on fait des remboursements accélérés, on privilégiera la tranche la plus chère.

Reste qu'avant de choisir la nature de son prêt ou sa composition, mieux vaut mesurer avec soin sa tolérance au risque et ne pas se laisser allécher seulement par le taux le plus faible.

Resserrement des conditions

Avec les prix plutôt élevés des propriétés, il n'est pas surprenant que plus de la moitié des emprunteurs optent pour un prêt à taux fixe d'une échéance d'au moins trois ans.

La proportion est encore plus élevée pour les accédants à la propriété. Surtout qu'Ottawa a resserré les conditions d'octroi d'un prêt.

Depuis le 18 mars, les emprunteurs, dont la mise de fonds est l'équivalent de 5% à 20% de la propriété convoitée, ont un maximum de 30 ans pour amortir leur prêt au lieu de 35.

Cela peut faire une grande différence pour les ménages dont le budget est serré. Selon les calculs du gouvernement fédéral, rendus publics au moment de l'annonce du resserrement en janvier, les mensualités d'un prêt de 300 000$ amorti sur 30 ans au lieu de 35 ans augmentent de 105$ à 1427$, si le taux d'intérêt est de 4%, 97$ à 1601$, si le taux est de 5%, et de 88$ à 1784$, si le taux est de 6%.

Ce sacrifice mensuel vaut son pesant d'or, car il y aura 60 mensualités de moins.

Reste que cela aura pour effet de diminuer un peu l'accessibilité ou d'en convaincre plusieurs d'acheter plus petit. Surtout que les taux d'intérêt ne resteront pas toujours aussi faibles.

Le niveau d'endettement des ménages les incite à la prudence. En février, le crédit hypothécaire a crû de 0,1% seulement, indiquait la Banque du Canada la semaine dernière.

Présentement, le taux fixe d'un prêt de cinq ans affiché par la plupart des institutions financières s'élève à 5,34%. C'est une quinzaine de centièmes de plus que le taux affiché en début d'année.

Normalement, les taux pour les moyennes échéances (trois à cinq ans) auraient dû augmenter davantage. Ils évoluent parallèlement au marché des obligations canadiennes.

Or, celles-ci sont très prisées des investisseurs canadiens et étrangers, car elles sont jugées très sûres en cette période de turbulences géopolitiques, beaucoup plus que celles du Portugal, de l'Irlande ou de la Grèce aux prises avec se graves crises budgétaires.

En 2009 et en 2010, les non-résidants ont comblé 45% des besoins de financement obligataire d'Ottawa, signale l'économiste Marc Pinsonneault dans une récente parution de L'hebdo économique de la Banque Nationale. En 2010, ils en ont acquis pour 40 milliards, le maximum autorisé.

«Si les Canadiens avaient été les seuls à financer le gouvernement canadien, on peut soupçonner que la pression sur les marchés financiers aurait occasionné des taux d'intérêt supérieurs à ceux observés au cours des deux dernières années.»

Hausse à venir

Les coûts d'emprunt des institutions financières suivent les variations des taux des obligations canadiennes. Elles peuvent donc prêter à des taux plus avantageux.

Ces jours-ci, les taux sur les obligations canadiennes venant à échéance dans 10 ans oscillent aux environs de 3,20%.

Les économistes sondés par le ministre des Finances Jim Flaherty le 11 mars estimaient qu'ils allaient grimper à 4% d'ici l'an prochain et à 5% en 2015. Les taux hypothécaires devraient suivre une augmentation semblable.

L'emprunteur qui choisit de «jouer le marché» et de contracter un prêt à taux variable pourra souffler encore quelques mois. Il est peu probable que la Banque du Canada augmente son taux directeur avant l'été, campagne électorale oblige.

Cela signifie que le taux préférentiel des institutions financières devrait demeurer à 3%. Le taux variable de 2,85% présentement affiché ne devrait pas bouger non plus.

Attention, toutefois. Les économistes estimaient le 11 mars que le taux directeur de la Banque du Canada, fixé maintenant à 1%, devrait atteindre 3,75% en 2015.

Alors, fixe ou variable?