L'École Polytechnique de Montréal greffe une nouvelle chaire de recherche à ses locaux. Reposant sur un budget de 5,35 millions sur cinq ans, elle devient la deuxième chaire en importance au pays.

La Chaire industrielle multisectorielle en revêtements et en ingénierie des surfaces - c'est son nom - mettra au point des procédés et de nouveaux matériaux qui permettront d'améliorer les propriétés physiques de surface d'autres matériaux.

Des exemples? La couche antibuée ou anti-éraflure à la surface des verres de lunettes, le vitrage éco-énergétique des édifices, tout comme le revêtement glaciophobe sur les fils à haute tension ou les pales de moteurs d'avion sont au nombre des applications générées par des recherches dans ce secteur.

Technique sous vide

«Les matériaux sont synthétisés atome par atome ou molécule par molécule par leur interaction avec une surface, explique Ludvik Martinu, professeur au département de génie physique de Polytechnique et titulaire de la chaire. On accumule ces atomes et ces molécules pour obtenir une microstructure faite sur mesure.»

Ainsi, en ajoutant une mince couche à un matériau, on peut transformer ses propriétés optiques, électriques ou mécaniques, mais aussi augmenter sa stabilité par rapport à l'usure ou à la corrosion, précise-t-il.

L'astuce existe depuis des dizaines d'années, mais Ludvik Martinu compte améliorer son utilisation en mettant au point des procédés et des matériaux moins nuisibles à l'environnement.

«Depuis des années, on utilise des techniques ou des matériaux qui sont nocifs ou polluants, dit-il. Par la technique sous vide que nous avons conçue, on peut traiter les surfaces à l'aide d'un plasma créé par une décharge électrique, un peu comme dans une ampoule [NDLR: lampe plasma].»

«La technique sous vide permet de remplacer les anciennes techniques polluantes, continue-t-il, et nous permet d'utiliser de nouveaux procédés et matériaux pour remplacer ceux qui étaient nocifs comme le chrome, le cadmium ou le mercure.»

La chaire pilotée par l'ingénieur d'origine tchèque comptera sur une équipe d'une vingtaine d'étudiants de 2e et de 3e cycle à laquelle se grefferont des assistants de recherche et une poignée d'étudiants postdoctoraux.

Il partagera une partie de la tâche avec la collaboratrice principale de la chaire, Jolanta Sapieha, professeure au département de génie physique de l'École Polytechnique.

Un pont avec l'industrie

«La chaire est un pont qui aide le milieu industriel à lier la partie recherche avec la partie application, indique Ludvik Martinu. On forme des étudiants à faire de la recherche et du développement, mais on les forme aussi pour qu'ils puissent travailler dans l'industrie, dans le domaine des applications visées par les technologies des couches minces, le traitement de surface, etc.»

La chaire sera d'ailleurs financée à la fois par le CRSNG, un organisme fédéral qui finance la recherche, et par sept entreprises ayant déjà collaboré avec l'équipe de Ludvik Martinu.

Ces dernières concevront, en collaboration avec la chaire, des réponses aux problèmes qui se posent à elles.

«Pendant longtemps, c'était surtout les chercheurs qui poussaient pour faire augmenter la visibilité de la nanoscience dans les technologies, explique Ludvik Martinu. Maintenant, avec nos liens avec l'industrie, on a créé un pôle d'attraction, un push-pull où l'industrie crée une demande qui fait accélérer le développement.»

Au nombre de ces entreprises, on compte Essilor, Guardian Industries, Velan, JDS Uniphase, l'Agence spatiale canadienne, ainsi que Pratt&Whitney et Hydro-Québec.

Ces dernières voient toutes deux, par cette association, une occasion d'augmenter la durée de vie de leurs équipements.

«On a déjà travaillé individuellement avec plusieurs partenaires industriels au cours des dernières décennies, indique Ludvik Martinu. Ce qu'on fait maintenant, c'est de jumeler tous les projets et partenaires individuels sous le même chapeau. Ça apporte une grande richesse et ça permet aussi aux partenaires industriels de se parler pour créer des synergies.»