Souvent associé au trafic automobile et, conséquemment, à l'attente interminable et à l'immobilisme, le bouchon n'a pas bonne presse par les temps qui courent. Mais à l'École de technologie supérieure (ETS), bouchon rime plutôt avec avancement, progrès et innovation.

Le 18 novembre prochain sera en effet inaugurée la toute nouvelle Chaire de recherche industrielle en technologies intra auriculaires, nommée CRITIAS, qui doit sa mise sur pied à un tout petit bouchon pour les oreilles.

Financée par l'entreprise Sonomax, elle-même spécialisée dans le développement et la mise en marché de technologies intra auriculaires, la chaire poursuivra au cours des prochaines années la recherche entourant un bouchon intelligent créé à l'ETS.

Cette invention est née à la suite d'une demande de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec (CSST), qui a constaté il y a quelques années une hausse des réclamations chez les travailleurs victimes d'accidents affectant leur ouïe.

Le chercheur Jérémie Voix, alors étudiant au doctorat à l'ETS, a donc mis au point un bouchon intelligent qui, muni d'une puce électronique et moulé à même le conduit auditif de la personne qui le porte, ne bloque que les bruits indésirables, et non tous les sons ambiants.

«Même s'il est exposé à du bruit, un travailleur doit tout de même entendre certaines choses», souligne Claude Bédard, doyen à la recherche à l'ETS.

«Or si un bouchon est totalement étanche, ce même travailleur ne peut pas capter, par exemple, ce qu'un collègue ou un supérieur lui dit. Et c'est là que sa sécurité peut être mise en danger. Il s'agissait donc d'inventer un bouchon qui filtre les sons nuisibles, mais qui laisse passer ceux qui sont porteurs de messages.»

Le partenariat établi avec Sonomax (ainsi qu'avec l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail - IRSST) a donc ouvert la voie à la création de CRITIAS, dont la mission sera de trouver de nouvelles avenues à ce bouchon nouveau genre.

Sans trop s'avancer, Claude Bédard parle déjà d'une percée dans le monde musical, notamment auprès des musiciens d'orchestres symphoniques, ou carrément d'applications liées à la vie quotidienne.

Celles-ci feraient en sorte, par exemple, qu'une personne pourrait tenir une conversation téléphonique dans un milieu très bruyant sans pour autant avoir à se soucier du vacarme ambiant.

Santé et sécurité du travail

CRITIAS est la troisième unité de recherche ainsi que la seconde chaire spécialisée en santé et sécurité du travail à l'ETS.

Un état de fait qui n'a rien d'étonnant, considérant la vocation résolument industrielle que s'est donnée l'institution dès ses premiers pas au milieu des années 70. Ce qui distingue l'ETS, toutefois, c'est le regard technique qu'elle pose sur les problématiques liées à la santé et sécurité au travail.

«La santé et la sécurité au travail couvrent une gamme très large de thématiques, mais ici, c'est l'aspect technologique qui nous intéresse, explique Claude Bédard. Et parmi les universités québécoises, nous comptons sur l'un des regroupements les plus importants de chercheurs spécialisés dans le domaine. Il se fait de plus en plus de recherche dans ce secteur depuis quelques années, principalement parce qu'il y a une grande sensibilité au sein de la population à ce sujet.»

CRITIAS s'inscrit donc dans cette mouvance, en apportant avec elle son lot de défis. Ce qui n'est évidemment pas sans enthousiasmer le doyen à la recherche de l'ETS.

«La recherche se justifie toujours par l'exploration d'un domaine inconnu, non balisé, et c'est pour ça que c'est passionnant, conclut-il. On sait d'où on part, mais on ne sait pas où on va finir. Des projets comme ceux-là sont donc très stimulants pour nous.»

La recherche en expansion

Claude Bédard ne s'en cache pas : la recherche est relativement jeune, à l'ETS.

Fondée en 1974 strictement à titre d'école de technologie, ce n'est qu'au début des années 90 que l'ETS a commencé à attribuer le titre d'ingénieur à ses finissants.

Or, pour aspirer au statut d'école de génie digne de ce nom, l'institution se devait de développer le créneau de la recherche, ce à quoi, assure Claude Bédard, elle est parvenue avec succès. À preuve, certains de ses chercheurs sont aujourd'hui reconnus pour leur expertise à l'échelle non seulement nationale, mais mondiale.

« Nous avons connu un essor fulgurant en recherche et développement, et ce, en quelques années seulement, se félicite le doyen. Si bien que nos projets sont de plus en plus ambitieux et qu'on fait de plus en plus parler de nous. Ça nous rend extrêmement fiers. «

Selon son site web, l'ETS compte quelque 4800 étudiants, ce qui la place parmi les plus importantes écoles ou facultés de génie au pays. Elle regroupe désormais 11 chaires de recherche réparties parmi 7 grands domaines, soit le transport, l'énergie, l'environnement, les matériaux, les technologies de l'information et des communications, les technologies de la santé ainsi que les systèmes d'entreprise.