En mars dernier, Maud Cohen, présidente de l'Ordre des ingénieurs du Québec, nous avait confié que l'éthique prenait une importance particulière à la suite des événements qui ont éclaboussé certaines firmes de génie-conseil.

Depuis, l'organisme est passé à l'action. Parmi les grandes stratégies adoptées, la ligne téléphonique 1-877-Éthique sera lancée prochainement pour le grand public et les ingénieurs, a-t-elle révélé en primeur à La Presse.

«Tout en pouvant préserver leur anonymat, les gens pourront faire des plaintes et poser des questions sur la pratique, explique Mme Cohen. Parce que parfois, même pour les membres, les questions de déontologie sont complexes. Il peut arriver par exemple que leur employeur ou un client fassent pression pour qu'ils ne respectent pas leur code de déontologie, ce qui est illégal. Nous devons donc les rassurer et leur rappeler que le code de déontologie doit primer. C'est facile à dire, mais ce n'est pas toujours facile à appliquer.»

L'Ordre des ingénieurs du Québec a d'ailleurs à la disposition de ses membres un fonds de défense en cas de préjudice. «Ça peut servir pour défendre un membre qui par exemple, aurait été congédié, ou qui se serait vu refuser une promotion parce qu'il aurait décidé de respecter son code de déontologie. Étonnamment, ce fonds est très peu utilisé», indique la présidente.

Effectifs doublés au bureau du syndic

Après avoir incité les gens à dénoncer des pratiques douteuses de la part d'ingénieurs lorsque les problèmes dans le domaine de construction ont été révélés, l'Ordre a vu le nombre de plaintes passer de 80 à 400 en un an.

«Pour être capables de suffire à la demande, nous prévoyons doubler l'équipe du bureau du syndic d'ici deux ans, ce qui se traduira par l'embauche de 13 personnes. C'est d'ailleurs déjà commencé», affirme Maud Cohen.

Le profil des candidats recherchés a aussi été modifié.

«Avant, nous embauchions seulement des ingénieurs qui avaient un intérêt pour l'enquête qui se limitait généralement à vérifier si des ingénieurs avaient ou non les compétences pour remplir leur mandat, dit-elle. Maintenant, on parle de financement illégal de partis politiques, de collusion et de malversation, donc nous embauchons des gens qui ont un profil différent comme des recherchistes et d'anciens policiers pour soutenir les syndics adjoints dans leurs enquêtes», explique la présidente.

L'Ordre n'enquête pas pour porter des accusations criminelles, bien sûr, mais il peut donner des amendes, procéder à des radiations temporaires et même, en arriver à des radiations permanentes.

L'organisme fait également ces enquêtes dans le but d'identifier des problématiques récurrentes qui pourraient exister dans la profession et, le cas échéant, en discuter avec ses membres pour trouver un moyen de corriger la situation sur le long terme.

Avec toutes ces mesures, c'est près de 1,3 million de dollars de plus que l'Ordre investira chaque année pour s'attaquer aux problèmes éthiques.

«C'est l'axe de notre planification stratégique 2010-2015 dans lequel nous investissons le plus, précise Mme Cohen. Pour y arriver, nous avons dû hausser les cotisations de nos membres qui d'ailleurs, nous ont appuyés. C'est important, parce qu'il est question de regagner la confiance du public. Nous sommes 60 000 ingénieurs au Québec et seulement quelques noms ont été visés.»