Après des années de scandales dans l'attribution de contrats publics, la commission Charbonneau et ses recommandations, le gouvernement québécois passe à l'action. Si l'Association des firmes de génie-conseil (AFG) voit certaines lacunes dans les solutions proposées, elle se réjouit de voir le gouvernement aller de l'avant alors qu'il investira prochainement des milliards en infrastructures.

Le gouvernement a d'abord voulu répondre à la première recommandation de la commission Charbonneau, soit doter le Québec d'une Autorité des marchés publics. Sa solution proposée : le projet de loi 108. L'AFG a tout de suite donné son appui à la création de l'Autorité, mais elle dénonçait que les municipalités n'y étaient pas assujetties. Le gouvernement a finalement corrigé le tir par un amendement qui donne un pouvoir de recommandation à l'Autorité envers les municipalités.

« C'est une avancée intéressante, mais nous aurions souhaité que les municipalités soient assujetties à l'Autorité des marchés publics comme les ministères et organismes publics parce qu'en matière de surveillance des marchés, nous pensons qu'il ne devrait pas y avoir d'exception », dit André Rainville, président-directeur général de l'AFG.

Il faudra donc s'en remettre à la bonne foi des municipalités pour le suivi des recommandations.

RÈGLES D'OCTROI DES CONTRATS PUBLICS

Plus récemment, le gouvernement Couillard a déposé le projet de loi 122, actuellement en commission parlementaire. Il donne une latitude aux municipalités en matière d'octroi de contrats publics pour les services professionnels.

« Dans les deux modes proposés dans le projet de loi, la composante prix est présente. Or, dans le système en place depuis 2002 au municipal, basé sur le meilleur rapport qualité/prix, la majorité des contrats a été octroyée au plus bas soumissionnaire au détriment de la qualité. Ce système ne permet pas de choisir les meilleures propositions en regardant tout le cycle de vie. » - André Rainville

L'AFG est d'avis que le mode de sélection basé strictement sur la compétence présent dans les ministères provinciaux et des organismes publics devrait être étendu aux municipalités.

« Or, non seulement on ne l'étend pas, mais on n'autorise pas les municipalités à octroyer des contrats en se basant strictement sur la compétence », indique M. Rainville.

Pour l'AFG, la révision du mode d'octroi des contrats publics est cruciale en ce moment avec les milliards qu'on investira prochainement en infrastructures au Québec.

« Nous devons réaliser des projets de qualité, dans une logique de développement durable et qui sauront résister par exemple aux changements climatiques », affirme André Rainville.

D'ailleurs, si le génie-conseil a perdu des milliers d'emplois dans les dernières années, l'AFG constate maintenant un retour à la stabilité.

« C'est déjà une bonne nouvelle et nous avons des échos de nos membres que des embauches commencent à se faire dans le domaine des infrastructures. »

PASSEPORT ENTREPRISES

L'AFG travaille également avec le Conseil du trésor pour ouvrir davantage les marchés en construction de bâtiment afin de permettre à de nouveaux acteurs de participer aux appels d'offres. L'objectif est entre autres de créer une saine concurrence. Actuellement, certains éléments des appels d'offres peuvent, sans que ce soit l'objectif, empêcher plusieurs entreprises de présenter une soumission.

« Par exemple, si on exige que la firme ait réalisé un certain nombre de projets dans la dernière année, une entreprise nouvellement formée ne pourra pas se qualifier même si les gens qui la composent ont une grande expérience et ont réalisé plusieurs projets », explique André Rainville.

On peut aussi fermer le marché par la taille des projets.

« Les petites et moyennes entreprises n'ont pas les ressources suffisantes pour aborder de très grands projets, mais si on les sépare en différentes composantes, ils deviennent accessibles aux plus petits soumissionnaires », explique M. Rainville.

Satisfait du rythme auquel avancent les travaux, le PDG de l'AFG espère qu'ils se termineront au printemps.

« En plus d'ouvrir les marchés, les résultats de ces travaux permettront de développer les compétences des firmes de la relève, affirme-t-il. Nous souhaiterions qu'il y ait un Passeport Entreprises dans d'autres domaines, comme le transport et les infrastructures. »

Photo Bernard Brault, Archives La Presse

Alors qu'il y a encore plusieurs grands chantiers à Montréal, le gouvernement du Québec s'apprête à investir massivement dans les infrastructures de la province.

PHOTO Patrice Laroche, ARCHIVES LE SOLEIL

André Rainville, président-directeur général de l'Association des firmes de génie-conseil-Québec, a fait auparavant un passage à la direction générale de l'Ordre des ingénieurs du Québec.