Macogep, une firme de gestion de projet en construction, vient tout juste de remporter un contrat pour des travaux de 17,5 millions de dollars dans des laboratoires de l'École polytechnique de Montréal. Pour éviter toute apparence de conflit d'intérêts, l'entreprise, qui embauche plusieurs ingénieurs, réalise uniquement de la gestion de projet. Pas question de faire de la conception ni de créer des partenariats avec des firmes de génie-conseil et des entrepreneurs pour remporter des appels d'offres. Louis Yves Lebeau, président fondateur de Macogep, répond aux questions de La Presse à propos de son modèle d'affaires.

Q: Quel est le rôle concret de votre entreprise dans la réalisation d'un projet de construction?

R: Nous travaillons pour les donneurs d'ouvrage et les investisseurs dans des projets de construction. Nous assumons les fonctions de contrôle qui ne peuvent pas être assumées par des exécutants qui seraient totalement en conflit d'intérêts.

Q: Pouvez-vous donner un exemple de conflit d'intérêts?

R: Les architectes et les ingénieurs-conseils sont souvent rémunérés par un pourcentage du coût d'un projet. Alors si le projet est de 20 millions, leurs honoraires seront supérieurs que si le projet avait été de 15 millions. Ce n'est pas un mode de rémunération propice à la performance. Puis, en cours de réalisation, si des changements amènent une augmentation des coûts, cela peut mener à des ajustements des honoraires professionnels. C'est un problème lorsque celui qui négocie la valeur de ces changements reçoit un ajustement de ses honoraires en fonction du coût final du projet.

Q: Pourquoi refusez-vous de réaliser d'autres mandats que de la gestion de projet et de participer à des consortiums pour tenter de remporter des appels d'offres?

R: Certains grands bureaux de génie-conseil offrent des services intégrés où on retrouve notamment de la conception et de la gestion de projet. Je suis mal à l'aise avec ça puisque cela fait que la firme A peut se retrouver à gérer le projet conçu par la firme B, puis le lendemain, sur un autre projet, ça peut être le contraire. Si le gestionnaire du projet a été sévère avec le concepteur, il pourrait craindre des problèmes dans le projet suivant lorsque les rôles seront inversés. Nous croyons à la séparation des tâches, nous ne participons pas à des consortiums et nous n'acceptons pas de sous-traitance parce que nous voulons une indépendance totale. Nous avons déposé un mémoire sur le sujet d'ailleurs à la commission Charbonneau.

Q: Quels sont les défis de votre modèle d'affaires?

R: Certains donneurs d'ouvrage peuvent avoir une réticence à ce que les gestionnaires de projet ne soient pas directement responsables du coût final et des échéanciers. Nous avons une obligation de moyens et non de résultats. Par contre, c'est une fausse croyance de penser qu'un donneur d'ouvrage ne verra pas une hausse de coût due à des conditions imprévisibles dévoilées en cours de projet parce qu'il fait affaire avec un groupe de partenaires qui donne un service clé en main. Il y est aussi exposé.

Q: Vous avez travaillé d'ailleurs sur le prolongement du métro à Laval, où il y a eu d'importants dépassements de coûts. Que s'est-il passé?

R: Nous avons eu ce mandat lorsque le projet a connu un dérapage important. Nous avons été appelés par le comité d'experts nommé par le gouvernement du Québec pour voir les ajustements à apporter à l'équipe de gestion, notamment. Puis, nous avons eu un deuxième mandat pour revoir les échéanciers, faire le suivi et le contrôle jusqu'à la mise en service. C'était un contrat de redressement de projet. Lorsque nous arrivons au début d'un projet, notre rôle est de mettre en place des outils et des mécanismes pour respecter le budget, les échéanciers et pour livrer un projet qui viendra répondre aux besoins ciblés. »

Q : Êtes-vous plusieurs entreprises au Québec à fonctionner avec ce modèle d'affaires?

R: Une vingtaine, avec plus ou moins de différences entre nos modes de fonctionnement. Les outils de gestion que nous utilisons ont été développés dans les années 60 aux États-Unis et on les a utilisés d'ailleurs pour contrôler les coûts des grands projets de la Baie-James. Ces outils ont bien sûr beaucoup évolué depuis.

Q: Quels types d'employés avez-vous?

R: Plusieurs ingénieurs de différentes spécialités, des architectes, des gens en finance, en urbanisme, en droit et pratiquement tous ont un diplôme de deuxième cycle en gestion de projet ou en construction. Plusieurs ont des certifications reconnues, comme PMP (Project Management Professional). Il y a toujours une personne responsable d'un projet et elle est assistée par des équipes spécialisées dans des domaines très pointus.

Q: En quoi consiste le contrat que vous venez de décrocher à l'École polytechnique de Montréal?

R: Réaménager quatre laboratoires de recherche pour installer des équipements de pointe. Le projet doit commencer dans les prochaines semaines et s'étendre sur quatre ans.

Macogep en bref

60: nombre d'employés chez Macogep

1989: fondation de l'entreprise

1981: Louis Yves Lebeau obtient son diplôme en génie civil, spécialisation en gestion projet, à Polytechnique