L'industrie forestière québécoise a durement ressenti la décision du gouvernement américain d'imposer des droits de douane de 20 % sur le bois d'oeuvre canadien. Devant cet obstacle, les acteurs d'ici se trouvent face à un obstacle supplémentaire pour demeurer compétitifs sur le sol américain. Et c'est probablement par leurs innovations que les firmes québécoises peuvent maintenir, voire améliorer, leur position.

En attendant le camion autonome

Outre les droits américains, l'industrie forestière québécoise fait face à une difficulté structurelle : l'éloignement de ses forêts. « Nous devons être deux fois plus innovants pour contrebalancer ce handicap », souligne Luc Lebel, directeur du consortium de recherche FORAC. Les entreprises forestières rêvent de disposer de convois de camions autonomes, mais on n'en est pas encore là, précise-t-il. Pour l'instant, les sociétés forestières travaillent sur l'optimisation des chargements. Domtar vient d'équiper le parc de camions qui approvisionnent son usine de Windsor de capteurs RFID : la récolte de données doit permettre de mieux utiliser les capacités de chaque chargement.

Du partenariat à l'innovation

Au lieu de se voir uniquement en concurrence, des entreprises québécoises ont fait le pari de mener des réflexions communes pour améliorer leur compétitivité. En Mauricie, ce type de partenariat a pris la forme du Groupe initiative Mauricie (GIM). Il y a un an, ses adhérents ont lancé une démarche d'analyse des meilleures pratiques logistiques dans des cours à bois partagées. À la fin du mois d'avril, elles ont dressé un premier constat. « Nous voyons des opportunités claires d'amélioration, notamment en introduisant de la technologie dans le mesurage du bois », affirme André Gravel, porte-parole du GIM et directeur de l'approvisionnement en fibres à l'usine Domtar de Windsor.

Construire plus haut

Depuis 10 ans, le marché de la construction de bâtiments de plus de trois étages est en forte augmentation en Amérique du Nord, constate Sylvain Gagnon, gestionnaire de recherche chez FP Innovations. Cependant, le Code du bâtiment doit encore permettre l'utilisation du bois dans des édifices toujours plus hauts. « Les projets de démonstration sont vitaux », martèle M.Gagnon, en citant la tour Origine à Québec et le projet immobilier Arbora de Griffintown. « Ces chantiers ont totalement changé l'image de la construction en bois, et ils ont fait avancer les connaissances qui serviront au futur Code du bâtiment », précise-t-il.

Le « big data » en forêt

Et si les engins forestiers cartographiaient la forêt tout en abattant les arbres ? Pour cela, il faudrait les équiper du LIDAR, ce capteur laser capable d'identifier le sol et le couvert végétal. Or, habituellement embarqué dans un avion, le LIDAR pourrait prochainement équiper les engins forestiers. « Durant une coupe, on pourrait créer une carte numérique hyper précise, détaillant tout ce qui se trouve au sol ainsi que le peuplement résiduel, explique Luc Lebel, directeur du consortium de recherche FORAC. Avec ce genre d'applications, qu'on peut imaginer devenir opérationnelles d'ici quatre ans, on s'en va vers le ‟big data" en foresterie ! »

Industrialiser la construction

Des industriels et des chercheurs québécois misent sur la commercialisation de bâtiments préfabriqués, donc non touchés par les droits américains. Des partenaires réunis autour de FP Innovations, des universités Laval, Sherbrooke et du Québec à Chicoutimi, ont bâti le projet Initiative sur la construction industrialisée (ICI). Ce programme de recherche universitaire attend la réponse du fédéral pour finaliser son budget de 1 million de dollars sur trois ans, en vue de développer une dizaine de projets tels que la construction modulaire de 20 étages, la valorisation du multiétage, la collaboration interentreprises, précise Pierre Blanchet, titulaire de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable (CIRCERB) en bois à l'Université Laval.