La très grande majorité des 130 000 propriétaires de forêts privées au Québec utilisent leur terre à des fins récréatives ou pour en tirer un revenu d'appoint. Puis, il y a ceux (environ 3000) dont c'est le principal gagne-pain. André Roy fait partie du lot.

À 61 ans, il a passé une bonne partie de sa vie en forêt. Normal pour quelqu'un né sur une ferme à l'orée d'un bois. Étudiant, il a bûché pendant ses emplois d'été. Puis, il a travaillé à plein temps comme contractuel. Il garde de cette époque de douloureux souvenirs, dont une fracture des deux pieds, mais aussi des côtes. «On était payé à forfait; il fallait que ça roule», dit-il.

Depuis 1994, le barbu aux mains puissantes travaille à son compte. Il exploite 175 hectares (450 acres) de boisé à Sainte-Praxède, en Estrie. Les coupes à blanc et les coups d'argent vite faits, très peu pour lui. André Roy préfère bichonner sa forêt de résineux afin d'en tirer le maximum. Son dada: «l'éducation de peuplement», comme il le dit si bien.

Il fait tout lui-même et travaille généralement seul. De l'abattage à l'élagage, en passant par le reboisement et les éclaircies. Les milliers d'épinettes qu'il a plantées au cours des 20 dernières années ont désormais fière allure. Il en récolte aujourd'hui les fruits.

Les outils de prédilection d'André Roy: une scie à chaîne et un tracteur pour transporter ses précieux billots jusqu'à un chemin forestier. De là, un camion vient les cueillir à destination d'un moulin à scie ou d'une papetière.

À première vue, André Roy semble filer le parfait bonheur. Son travail le rend heureux, il habite une jolie maison (chauffée au bois!) avec sa femme Solange et l'un de ses trois fils aspire un jour à exploiter la forêt familiale.

Or, M. Roy, également président du Syndicat des producteurs de bois de l'Estrie, a dû composer ces dernières années avec une importante chute des prix. «Un voyage de billots qui me rapportait 3500$ en 2006 ne valait pas plus de 2200$ jusqu'à l'an passé. Six ans de crise, c'est long! Heureusement, les prix semblent vouloir remonter», dit-il.

L'autre irritant: la valeur des lots a triplé depuis 10 ans. Les taxes foncières ont, par conséquent, fortement augmenté. «Mes terres sont payées, c'est donc un peu moins grave pour moi. Mais pour les autres ou pour ceux qui voudraient se lancer en sylviculture, ce n'est pas évident», soutient André Roy.

Il souhaite que les gens de l'industrie considèrent mieux les propriétaires de forêts privées, lesquels fournissent 20% du bois au Québec. «Ce serait bien qu'on s'assoit et qu'on fasse un plan pour les 30 prochaines années, dit-il. On y gagnerait tous». Il travaille d'ailleurs en ce sens. En semi-retraite, il continue à récolter son bois, mais il est engagé plus que jamais dans la Fédération des producteurs forestiers du Québec.

À l'instar des 74% de propriétaires de bois privés du Québec, André Roy souhaite léguer sa terre, soit dans le cadre d'un héritage ou d'une vente à un membre de sa famille.

«Je ne pourrais pas me résoudre à vendre ma terre à des inconnus. J'y ai consacré tellement de temps et d'énergie. Il y a un peu de moi dans cette forêt», dit-il, adossé à un énorme sapin, le regard perdu au loin.