Le secteur industriel connaissait déjà des beaux jours au Québec, sans le bitcoin. L'intérêt pour les propriétaires, c'est que les besoins immobiliers de ceux qu'on appelle les « mineurs » de cryptomonnaies sont totalement différents de ceux des centres de données et des entrepôts de logistique, deux locomotives de la demande de locaux industriels ces dernières années.

« Pour eux, le facteur-clé, c'est la capacité électrique du bâtiment : 5, 8,12, 40, 100 mégawatts », dit David Cervantes, courtier chez CBRE, qui se spécialise auprès des centres de données et des créateurs de monnaies virtuelles. Ses clients énergivores sont évidemment attirés par l'énergie bon marché du Québec.

« À notre grande surprise, les créateurs de cryptomonnaies ne recherchent aucune infrastructure de climatisation et aucune génératrice, trop chers à leur goût, soutient M. Cervantes. Le refroidissement s'effectue uniquement par l'air ambiant et par d'énormes ventilateurs. »

C'est tout à fait l'inverse pour les centres de données de nouvelle génération qui ont une préférence marquée pour des bâtiments dotés d'une double alimentation électrique et de génératrices de forte puissance.

« Les "mineurs" sont prêts à vivre avec une machine à l'arrêt pendant quelques heures, parce qu'ils n'hébergent pas les données de consommateurs, contrairement aux centres de données. » 

- David Cervantes, courtier chez CBRE

Ils préfèrent ainsi faire fonctionner leur équipement à plein régime à 40 ˚C, quitte à le changer en cas de casse.

M. Cervantes sait de quoi il parle. Il affirme avoir conclu quatre transactions avec des fabricants de cryptomonnaies. Il a aussi 12 mandats en cours, requérant une puissance totale de 800 mégawatts et représentant une superficie de 1,2 million de pieds carrés.

Mais est-ce un locataire fiable, considérant la volatilité extrême des monnaies numériques ? « Je suis toujours surpris de voir que même un bitcoin à un faible niveau, les mineurs sont encore profitables », dit-il, sans préciser quel serait le point mort. Il exige par ailleurs des dépôts de garantie à ce genre de locataire, pour prévenir les coups durs.

D'après son expérience, les mineurs affichent une préférence pour les vastes usines ayant servi à des entreprises énergivores telles une aluminerie ou une usine de pâtes et papiers, isolée de préférence. « Le bruit que font les ordinateurs s'apparente à un avion qui atterrit », dit le courtier.

DE L'ACTION EN RÉGION

L'ancienne usine de Cascades à Jonquière suscite beaucoup d'intérêt, donne-t-il en exemple. Le National Post indiquait récemment que les forestières Resolu et Fortress recevaient des demandes d'intérêt de la part de créateurs de monnaies virtuelles pour louer des superficies excédentaires dans leurs moulins.

Parmi les « mineurs » connus, notons Bitfarms, cofondé par Pierre-Luc Quimper et appartenant en partie à des intérêts israéliens, qui occupe des installations à Saint-Hyacinthe, Cowansville, Farnham et Magog.

La société chinoise Bitmain Technologies songe à s'installer au Québec, rapportait La Presse le 13 janvier dernier.

Hydro-Québec a affiché sa volonté de servir cette clientèle, parlant publiquement d'une quantité de 5 térawatts/heure d'énergie disponible pour les mineurs de bitcoins. Une centaine de projets sont dans le pipeline, a récemment confié Marc-Antoine Pouliot à la journaliste Allison Lampert du National Post.

En réaction à une sortie du ministre des Ressources naturelles Pierre Moreau, mercredi dernier, qui parlait d'encadrer ce type d'industrie très énergivore, Hydro-Québec a toutefois rectifié le tir. Elle envisage désormais d'imposer des tarifs plus élevés aux exploitants de mines de cryptomonnaies, de peur de voir ses surplus y passer si elle donnait son aval à toutes les requêtes en provenance des « mineurs » nouveau genre.