Le déclin de l'industrie textile au début des années 2000, a vidé d'immenses édifices du quartier montréalais Mile End. Depuis, bon nombre d'artistes et de jeunes entreprises créatives s'y sont installés, et différents intervenants travaillent d'arrache-pied pour y favoriser la mixité et en préserver l'accessibilité. Portrait en quatre mots.

Emploi

«Le Mile End industriel a été confirmé zone d'emploi dans le plan d'urbanisme, donc ce sera un très gros travail si un promoteur veut y faire du développement résidentiel», indique Richard Ryan. Le conseiller du district du Mile End juge aussi important de favoriser la diversité des entreprises dans le secteur. «Lorsqu'un gros joueur s'en va, cela peut tuer un quartier, croit-il. Si c'est un petit atelier, il sera rapidement remplacé par un autre.»

D'ailleurs, les espaces de travail partagés semblent aussi avoir la cote dans le secteur. «Un autre a ouvert ses portes récemment, nous sommes rendus à trois, fait remarquer Vanessa Huppé-Hart, agente de développement territorial Plateau Mont-Royal à la Corporation de développement économique communautaire Centre-Sud/Plateau Mont-Royal. Ils favorisent l'arrivée de petites entreprises qui vont pouvoir grandir sur place.»

Commerces

«Les services dans la zone d'emploi sont en train de se développer, note Mme Huppé-Hart. La nouvelle réglementation favorise la conversion des rez-de-chaussée en locaux commerciaux.» Les élus gardent néanmoins le secteur à l'oeil. «Il y a un danger, croit M. Ryan. Certains étirent le permis d'épicerie et de dépanneur en sandwicherie, puis ouvrent à 10h et ferment à 16h. Oui, il faut répondre à la demande. Il faut toutefois que la vie continue ensuite parce qu'il y a des gens qui vivent dans le quartier.»

Par ailleurs, une association de commerçants pourrait naître prochainement dans le Mile End. «Nous le leur avons proposé récemment, indique M. Ryan. Nous croyons qu'il faut les renforcer pour garder la mixité commerciale.» L'organisation pourrait défendre son point de vue et organiser des événements publics, par exemple.

Résidentiel

La popularité croissante du quartier entraîne les loyers à la hausse. Le 1er juin, l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal a donc adopté une nouvelle politique pour favoriser le logement social sur son territoire. «À partir de cinq unités, le promoteur devra inclure 20% de logement social ou contribuer à un fonds pour le logement social, précise M. Ryan. Cela s'appliquera lorsque les promoteurs demanderont un changement de zonage ou une dérogation.»

Un projet de coopérative d'habitation de 93 logements est aussi en développement. C'est un investissement d'environ 18 millions, incluant un centre de la petite enfance. «Le chantier devrait commencer au printemps 2016 pour une occupation en juillet 2017», précise Martin Fournier, chargé de projet chez Atelier Habitation Montréal.

Par ailleurs, M. Ryan dit vouloir travailler pour favoriser l'accès à la propriété pour la classe moyenne.

Artistes

Avec l'attrait grandissant du quartier, les artistes et les artisans sont aussi menacés par les augmentations de loyer. En 2012, une entente entre un important propriétaire immobilier, Allied Properties, et le regroupement Pied Carré a cependant permis de réserver près de 20 000 m2 pour la création et la diffusion artistique pendant 30 ans. «Nous avons ensuite ajusté notre réglementation pour faire du zonage vertical et limiter les superficies et les usages à certains étages», explique M. Ryan. Les autres peuvent être loués à de grandes entreprises. Cet environnement est un atout pour elles, estime-t-il. Il cite en exemple le studio londonien Framestore, qui s'est installé dans le Mile End en raison du dynamisme artistique qui y règne, selon lui.

 

LE MILE END EN CHIFFRES

32 565 citoyens

> 20 815 personnes dans la population active

> 5460 logements possédés

> 11 625 logements loués

> 26% d'immigrants (dont 18% de la France)

> 59 068$ : revenu moyen des ménages (2010)

> 19 700 m2 réservés aux artistes et aux artisans

Source: Ville de Montréal

CRÉATIVITÉ

> Nom: Frank&Oak

> Nombre d'employés: une centaine

> Dans le quartier depuis l'automne 2012

Établie dans une ancienne manufacture du Mile End, l'entreprise de mode a été attirée par la culture créative du quartier, note son cofondateur, Ethan Song. La présence d'artistes et de plusieurs autres entreprises en démarrage crée une atmosphère propice à la création. «Nous aimions aussi les espaces très ouverts, de type loft, du secteur, note-t-il. La disponibilité des locaux est encore bonne, alors nous avons encore de l'espace pour agrandir.» Autre avantage: les gens peuvent à la fois vivre et travailler dans le quartier. D'ailleurs, plusieurs de ses employés habitent à proximité. «Les loyers sont relativement abordables», note-t-il. Le seul bémol, à son avis, est la difficulté grandissante à dénicher un stationnement pour ceux qui utilisent leur voiture.

ENTREPRENEURIAT

> Nom: Busbud

> Nombre d'employés: 30

> Dans le quartier depuis deux ans

Louis-Philippe Maurice a d'abord lancé Busbud dans son appartement du Plateau-Mont-Royal avant de louer un local dans le Mile End. «Nous voulions rester dans le coin et nous cherchions un endroit abordable parce que les start-ups ont peu de budget au démarrage», explique le président et cofondateur. De plus, il aime particulièrement le dynamisme entrepreneurial du secteur. Sans compter la qualité de vie pour les résidants. «Il y a une vie de quartier intéressante et des services comme des restaurants, des centres de yoga, des théâtres, des événements artistiques, etc.», note-t-il. Parmi les défis à relever, à son avis: l'aménagement urbain, notamment trop dépourvu d'arbres, et l'augmentation des loyers causée par la popularité croissante du quartier.