Le coût et le goût peuvent se conjuguer. L'architecture significative dans l'immobilier commercial est abordable et profitable.

Vous ne serez pas surpris: les architectes professent qu'une architecture de qualité est rentable pour l'immobilier commercial.

«L'architecture de qualité est celle qui, à court, moyen ou long terme, est de très loin la plus payante et la plus rentable», soutient Clément Demers, professeur titulaire à l'École d'architecture de l'Université de Montréal et directeur général du Quartier international de Montréal. «Une architecture de qualité est plus durable, demande moins de remises à la mode, attire plus de clients, rend les occupants plus heureux et plus productifs. Il faut le prendre en considération. Ce n'est pas seulement le coût à l'année zéro.»

Coûteuse, la qualité?

Une perception répandue veut que les coûts de l'architecture de qualité soient considérablement plus élevés. «Ce n'est pas vrai, rétorque Josef Zorko, associé principal chez DMA Architectes. Dans les coûts de construction, aujourd'hui, ce qui coûte le plus cher, c'est la main-d'oeuvre.»

La qualité n'est pas synonyme de matériaux coûteux. En façade, explique-t-il, un parement en granite n'est pas nécessairement de meilleure qualité qu'un parement en brique.

«Aujourd'hui, l'écart est réduit à un maximum de 5 à 6% entre un bâtiment accrédité LEED et un autre qui ne le serait pas, indique-t-il. Et cette différence est récupérée sur les coûts de l'énergie et les coûts d'opération. Pour ceux qui conservent le bâtiment suffisamment longtemps, il y a du retour sur l'investissement après généralement quatre à six ans.»

L'immeuble durable en demande

Le développement durable et les économies d'énergie sont devenus des préoccupations généralisées et incontournables. «Le recyclage et la consommation sont devenus pour beaucoup d'entreprises quelque chose de fort important, souligne Josef Zorko. L'immobilier commercial répond maintenant à ce qui est devenu un critère de sélection.»

Ainsi, sa firme réalise présentement un projet de transformation des espaces de stationnement d'un immeuble pour y aménager 150 emplacements pour vélos et construire des douches attenantes. Dans un autre édifice, il s'agit de modifier les escaliers d'issue pour les locataires qui veulent les emprunter plutôt que prendre l'ascenseur.

«Il y a un débat sur le fait que la construction verte est plus dispendieuse pour le propriétaire, mais si on regarde les économies à long terme, c'est ce qu'il faut faire, et les propriétaires en sont conscients», constate Raymond Bouchard, président-directeur général de l'Institut de développement urbain du Québec (IDU Québec), principal porte-parole de l'industrie immobilière commerciale au Québec.

Les promoteurs cherchent à attirer la clientèle, donc à répondre à leurs besoins. «Le propriétaire immobilier qui ne construit pas un bâtiment vert certifié LEED, qui n'a pas de qualité d'air, qui n'a pas de récupération d'eau, ne pourra pas louer ses espaces, affirme M. Bouchard. Ça a déjà commencé.»

Bon et mauvais exemples...

Un exemple d'architecture distinctive dans l'immobilier commercial? Pour sa sobriété et son élégance, la Place Ville-Marie est aussitôt citée par tous les architectes interviewés.

«Un demi-siècle plus tard, son lobby est aussi bon qu'à son premier jour, constate Clément Demers. Pourquoi? Parce que c'est un concept de qualité avec une architecture de qualité, avec des matériaux de qualité, une exécution de qualité et un entretien de qualité.»

Les matériaux du lobby ne sont pourtant pas les plus coûteux. Il est garni de travertin, le marbre des pauvres. Tout est dans la manière plutôt que dans la matière.

«Regardez tous les lobbys au goût du jour et qui ont été refaits une fois, deux fois, sinon trois fois durant la même période, poursuit-il. En valeur actuelle, le lobby le moins cher et le plus durable, c'est de très loin celui de la Place Ville-Marie.»

A contrario, il cite l'Institut d'hôtellerie et de tourisme, triste parallélépipède de tôle construit durant les terribles années 70, et remanié à grands frais depuis. «Quel est le secteur de la rue Saint-Denis qui a connu la moins bonne revitalisation? C'est celui qui entoure l'Institut d'hôtellerie.»

Le coût de la médiocrité

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QUALITÉ OU EXTRAVAGANCE?

Faut-il aller au-delà de la qualité et chercher la distinction, voire l'éclat? Selon l'architecte André Bourassa, président de l'Ordre des architectes du Québec, l'architecture de qualité se définit comme harmonieuse, fonctionnelle et durable. «Une architecture significative, c'est un petit peu plus dans un de ces trois volets», explique-t-il. Une architecture distinctive est un atout pour l'image de son propriétaire et de ses locataires. Mais un équilibre subtil doit être atteint, ce qu'André Bourassa appelle la «juste image corporative». «Ni trop ni trop peu, dit-il. Excessive, l'architecture distinctive pourrait être absolument déplacée dans certains cas.» L'architecture significative ou distinctive attirera l'attention, sera signalée par les spécialistes et peut-être même par les guides touristiques. Souvent, c'est l'Histoire qui nous dira à quel point elle l'était vraiment», observe Anne Cormier, directrice de l'École d'architecture de l'Université de Montréal. Elle est fonction de volonté et de talent, mais pas nécessairement de budget supplémentaire. C'est le créneau supérieur qui est coûteux: l'édifice signature, griffé par une vedette. «Pour les starchitects, on peut parler de coûts plus élevés», indique Clément Demers. «Ce sont souvent des objets surdimensionnés, qui peuvent être difficiles à construire ou à entretenir dans un environnement comme le nôtre.»