La moitié des propriétaires de PME canadiens prévoient prendre leur retraite d'ici cinq ans, révèle un sondage sur la planification de la relève de la PME, publié à la fin du mois de novembre par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI).

«Dans la plupart des cas, le produit de la vente de l'entreprise constituera le fonds de retraite des propriétaires de petites entreprises», fait valoir Martine Hébert, vice-présidente pour le Québec de la FCEI. Or, cette même étude révèle que près du quart des propriétaires d'entreprise ont retardé la prise de leur retraite d'un à quatre ans, à la suite de la récession de 2009.

L'explication réside en partie dans un autre résultat. «L'étude démontre que la moitié des propriétaires d'entreprise n'ont pas de plan de relève, qu'il soit formel ou informel, ajoute Martine Hébert. La proportion de propriétaires de petites entreprises qui ont un plan formel est de 9% seulement.» Il s'agit pourtant d'un outil essentiel pour la planification de la vente ou du transfert de son entreprise.

Dès lors, il ne faut sans doute pas se surprendre que plusieurs entrepreneurs à la retraite soient forcés de trouver de petits boulots pour boucler leurs fins de mois.

Outre la recherche d'un acheteur et le financement de leur successeur, une de leurs plus grandes difficultés est la juste évaluation de la valeur de l'entreprise, de laquelle dépend le confort de leur future retraite. «Les entrepreneurs pensent souvent que leur entreprise vaut plus qu'en réalité», constate Daniel Vezeau, conseiller au centre de transfert d'entreprises de la Mauricie.

Malheureusement, les propriétaires de petites entreprises ont souvent la tentation de minimiser les profits pour réduire les impôts... de toutes les manières. «Le problème, c'est qu'ils ne comptabilisent pas les revenus au noir, alors que les dépenses, elles, sont inscrites, observe M. Vezeau. Quand arrive l'âge de la retraite et le moment de vendre une entreprise qui n'a jamais fait d'argent, il est difficile pour le repreneur d'en évaluer la valeur.»

Il prescrit de rétablir la situation au moins deux ans avant la vente de l'entreprise, pour que son bilan trace un plus juste portrait de son potentiel.

Indépendance financière

Comme n'importe quel autre travailleur qui investit pour sa retraite, l'entrepreneur doit faire une planification financière à intervalle de cinq ans. La plupart du temps, ses actifs se révéleront trop concentrés dans son entreprise, ce qui contrevient au précepte de diversification.

«Le poids de l'entreprise dans le patrimoine global de l'individu - personnel et d'affaires - est souvent supérieur à 90%, observe Nathalie-Anne Croft, conseillère en transfert d'entreprise au Groupe conseil Pissenlits. Ça veut dire que si l'entreprise se porte mal, le propriétaire a un problème!»

C'est en fait un problème de perspective, soutient-elle. Les entrepreneurs ne doivent pas voir leur entreprise comme un fonds de retraite qu'ils encaissent au moment de sa vente. «Ils doivent plutôt se dire qu'ils se donnent accès à l'indépendance financière, avise-t-elle. S'ils le faisaient de 5 à 15 ans avant de vendre leur entreprise, il y aurait beaucoup moins de difficulté.»

Plusieurs années avant la vente de leur entreprise, les entrepreneurs doivent encaisser des dividendes qui seront investis en vue de leur retraite. «Ils commencent à créer de la valeur, décrit Mme Croft: fonder une société de gestion, y pomper des dividendes, contribuer au maximum à leur REER, créer un régime de retraite individuel (RRI)...»

La perspective de bâtir ainsi une indépendance financière à l'égard de l'entreprise va par ailleurs susciter des gestes et des comportements conséquents. «Ils vont se payer un juste salaire, diminuer leur coût de vie, avoir un meilleur équilibre dans le financement de leur entreprise», énumère Nathalie-Anne Croft.

Si l'entreprise doit être cédée à un proche, cette relève doit elle aussi être formée en fonction de cet objectif d'indépendance.

En retour, l'indépendance acquise par le propriétaire facilitera grandement la transmission sereine de l'oeuvre de sa vie. «On ne fait pas les mêmes transactions quand les gens sont financièrement indépendants que quand ils ne le sont pas», rappelle Mme Croft.