Si la crise financière qui a éclaté en 2008 a fait plusieurs victimes sur le plan financier, elle aura au moins sensibilisé les gens à la nécessité de bien gérer leur patrimoine. «Depuis la crise, nos clients sont plus prudents dans la gestion du risque en général», constate Sophie Ducharme, vice-présidente, Fiducie et service-conseil, Gestion privée 1859, Banque Nationale.

«Bien que les critères de gestion n'aient pas changé, les clients comprennent mieux ce dont on leur parle», ajoute son collègue Daniel Laverdière, directeur principal, Planification financière, pour la même institution. Ils ont une meilleure idée de ce qu'est la volatilité et de leur capacité de l'affronter. «Comme leurs attentes sont plus modestes, il est plus facile de discuter et d'établir la bonne stratégie pour gérer leur patrimoine», dit-il. Les gens ont pris conscience que les rendements sur leurs investissements seront moins élevés que ce qu'ils prévoyaient il y a à peine quelques années.

Ce qui est intéressant aujourd'hui lorsqu'on parle de gestion de patrimoine, c'est que les gens comprennent qu'il ne s'agit pas uniquement de placements, mais d'une foule d'autres produits, telles les planifications fiscale et successorale, ainsi que les assurances, explique Mme Ducharme. «La gestion de patrimoine constitue une approche globale», dit-elle. Ce n'est pas tout d'accumuler le patrimoine, il faut aussi le préserver et le transmettre.

Bien qu'important, le rendement des placements n'est pas la partie essentielle, soutient Sébastien Souligny, directeur de la planification fiscale et successorale chez BMO Banque privée Harris. «La question est plutôt de se demander quel risque je dois prendre pour atteindre mes objectifs, dit-il. Il faut se dégager de la pensée que c'est le rendement pur qui compte. «C'est plutôt une problématique d'ensemble, un exercice de planification de tout genre.»

Pour Éric Bujold, président de Gestion privée 1859, Banque Nationale, la crise a permis d'augmenter le dialogue avec la clientèle. L'institution a d'ailleurs accru le nombre de ses conseillers.

Mais surtout, la crise a amené l'industrie de la gestion privée à se tourner vers de nouveaux investissements, soit les placements alternatifs tels l'immobilier, les infrastructures, les fonds de commodités et les fonds privés d'équité. «Ces nouveaux véhicules de placements permettent de mieux diversifier le portefeuille tout en diminuant la volatilité», dit M. Bujold.

Où serons-nous dans cinq ans?

Compte tenu de tous les changements que l'on observe actuellement, où serons-nous dans cinq ans? Cela dépendra des rendements des marchés, croit Éric Bujold. La crise financière a causé une remise en question de la façon de gérer ses actifs.

Si les rendements des actifs traditionnels sont élevés au cours des prochaines années, les habitudes passées reviendront vite, et les actions et les obligations reprendront leur place.

Mais si, plutôt, l'environnement économique et financier demeure difficile, il faudra user d'imagination. «Chose certaine, nous devrons être créatifs», dit M. Bujold. Par exemple, qu'est-ce qui pourra remplacer les obligations dont les rendements sont non seulement déjà très bas, mais qui risquent aussi de faire courir un risque énorme aux détenteurs lorsque les taux d'intérêt remonteront?

Une nouvelle réalité

Crise ou pas, la gestion de patrimoine doit s'adapter à une nouvelle réalité, soit le vieillissement de la population, explique François Rondeau, vice-président, Services fiduciaires aux particuliers, chez Desjardins.

D'abord, nous sommes en présence de plus en plus d'entrepreneurs qui voudront vendre leur entreprise. De plus, pour plusieurs, la famille reconstituée devient une préoccupation importante. Comment gérer le patrimoine dans ce type de situation, souvent chargée de conflits? Enfin, que faire pour ces parents vieillissants aux prises avec un enfant handicapé? Qui s'occupera autant de son bien-être que de son patrimoine?