Les fraudeurs utilisent toujours les mêmes recettes, mais la technologie leur permet de commettre leur crime plus vite et à une plus grande échelle.

Un employé reçoit ce qu'il croit être un courriel du patron. Celui-ci lui demande de lui virer des fonds pour une transaction secrète pendant son voyage à l'étranger. L'employé obtempère sans poser de question.

L'astuce est vieille comme le monde, mais elle fonctionne encore. «Environ 80% des fraudes commises sont de vieux stratagèmes renouvelés», estime Michel Picard, spécialiste en crimes économiques chez Analy6 Groupe Conseils. «On observe qu'il est toujours plus simple et moins dangereux pour un fraudeur d'exploiter un système qui a déjà marché et qu'il suffit de raffiner un peu», ajoute-t-il. En cela, la technologie donne un sérieux coup de pouce aux criminels, qui peuvent frapper un grand coup plus rapidement. Les vols de données informatiques l'illustrent bien. Home Depot, Target et eBay en ont fait les frais.

«Pour découvrir les tendances de la fraude en entreprise, il faut suivre l'actualité, car c'est là que les fraudeurs dénichent des occasions», affirme Jacqueline Lemay, experte en juricomptabilité et directrice principale chez Raymond Chabot Grant Thornton. Par exemple, avec l'avènement du biodiesel est apparu le phénomène des vols d'huile de cuisson. «L'appropriation des actifs demeure l'un des crimes économiques les plus répandus, dit Mme Lemay. C'est pourquoi les entreprises doivent veiller à la protection de leurs actifs, que ce soit des données, de l'équipement, de la machinerie, des marchandises ou des déchets qui ont une valeur de revente, comme dans le cas des huiles usagées.»

Les fraudes ne sont pas en progression, note Michel Picard. «C'est juste qu'on en parle davantage, dit-il. Ce qui est décourageant, par contre, c'est l'augmentation des sommes en cause.» Dans un sondage mondial sur les crimes économiques, le cabinet PricewaterhouseCoopers a remarqué que le nombre d'organisations ayant subi une perte de plus de 100 millions en raison d'une fraude a doublé entre 2011 et 2014.

Le courage de poser des questions

Les contrôles antifraudes se multiplient dans les entreprises, mais on peut encore faire mieux. En 2014, l'Association of Certified Fraud Examiners a étudié 1483 cas de fraude. Près du tiers des entreprises victimes ne possédaient pas de contrôles internes appropriés pour prévenir la fraude.

«Les programmes de prévention et de détection de la fraude doivent être mis à jour selon les cycles de vie de l'entreprise, par exemple à la suite d'une acquisition ou de compressions», conseille Jacqueline Lemay.

Michel Picard rappelle que le logiciel de détection le plus sophistiqué au monde ne remplacera jamais la vigilance humaine. «Les gestionnaires évitent de poser trop de questions de peur de donner l'impression qu'ils ne font pas confiance à leurs employés ou à leurs fournisseurs, remarque-t-il. Au contraire, plus on questionne, plus on a de chances de mettre en lumière le problème. Il faut que ça fasse partie de la culture organisationnelle, de la PME à la grande entreprise.»

Consultez le rapport de l'Association of Certified Fraud Examiners

EN CHIFFRES

36%

Proportion des organisations canadiennes qui ont déclaré avoir été victimes de crimes économiques en 2014, une augmentation de 4% depuis 2011.

58%

Proportion des crimes économiques au Canada qui sont des détournements d'actifs, alors que 22% sont le fait de la cybercriminalité.

5 millions

1 entreprise canadienne sur 10 victime d'un crime économique déclare des pertes de plus de 5 millions US.

31%

Proportion des fraudes déclarées par des entreprises canadiennes qui ont été détectées grâce à des rapports d'opérations suspectes.

Source: Sondage PwC Global Economic Crime Survey 2014 - Perspectives canadiennes.

Consultez le sondage