L'Aviation royale canadienne appelle l'industrie aéronautique à innover avec elle. Une vision et un projet de son commandant, le lieutenant-général Yvan Blondin.

Quatre pilotes de chasse sont en mission. Un seul est véritablement en vol. Ses trois coéquipiers sont au sol, aux commandes de simulateurs. Ils doivent intercepter une escadrille ennemie entièrement virtuelle, dont les déplacements électroniques sont générés par un ordinateur central. Le pilote en vol perçoit les mouvements de ses coéquipiers et de ses adversaires grâce à des projections à l'intérieur de la visière de son casque.

Cette vision inédite de l'entraînement est un des rêves - appelons-les projets - du lieutenant-général Yvan Blondin, commandant de l'Aviation royale canadienne (ARC).

«La simulation m'offre beaucoup d'opportunités que je voudrais utiliser, explique-t-il. Avec la prochaine génération d'avions de chasse, je pourrai faire en simulations beaucoup d'entraînements qui seront meilleurs que ce que je peux faire en vol, à des coûts beaucoup plus bas.»

Cette méthode de formation hybride réduirait la consommation de carburant, l'entretien et l'usure des appareils et laisserait davantage d'avions disponibles pour le service opérationnel. «Je suis convaincu que si on développe ces concepts d'intégration de vols virtuels, réels et générés par ordinateur, et qu'on est à l'avant-garde de ce qui se fait dans le monde, on permettrait à notre industrie de les exporter, ajoute-t-il. On positionnerait notre industrie pour faire compétition à travers le monde.»

Appel à l'industrie

À son arrivée à la tête de l'ARC, à l'automne 2012, l'ancien pilote de chasse a rapidement perçu l'intérêt d'une meilleure coordination entre l'armée de l'air et l'industrie aéronautique canadienne. C'est l'appel qu'il a lancé au printemps 2013 avec son programme Horizons nouveaux. À cette occasion, il a proposé trois projets d'études au groupe de réflexion formé par l'Association canadienne des industries de défense et de sécurité, auquel se sont joints les milieux universitaires.

«Les militaires et l'industrie aéronautique ne se parlent pas assez, observe le lieutenant-général Blondin. Sans parler d'acquisitions dans un avenir rapproché, je leur ai proposé de discuter des besoins futurs de l'aviation, de développer ensemble, de rêver. On pourrait peut-être arriver à des solutions canadiennes pour des problèmes militaires canadiens, et si on le fait assez tôt ensemble, ça pourrait aider l'industrie canadienne à être plus compétitive.»

Le commandant a encore réitéré son appel à l'occasion d'une conférence prononcée devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), le 12 février dernier.

«Ce que j'ai observé depuis les 20 dernières années, c'est qu'on attend d'avoir un besoin urgent, on regarde ce qui est offert, et invariablement, on le trouve à l'extérieur du Canada, déplore-t-il. On ne donne pas le temps à l'industrie canadienne de développer des solutions.»

Patrouiller dans l'Arctique

Un des projets de réflexion d'Yvan Blondin porte sur les patrouilles maritimes. Il donne l'exemple des 18 avions de patrouille et de détection CP 140 Aurora de l'ARC, de gros quadrimoteurs avec emport de torpilles, acquis au début des années 80. Le seul avion de remplacement actuellement offert est un appareil américain, lui aussi imposant et coûteux, et lui aussi imparfaitement adapté aux besoins canadiens.

«Est-ce qu'il serait possible d'avoir un avion canadien plus petit, qui pourrait travailler avec des drones qui, eux, transporteraient les torpilles? Ça n'existe pas, et peut-être qu'avec l'industrie, on pourrait développer une solution qui serait canadienne.»

Les deux autres projets proposés portent sur la présence canadienne dans l'Arctique. «Quand je regarde l'avenir de l'Aviation royale canadienne et le besoin au Canada, je suis convaincu qu'on va avoir une activité accrue dans l'Arctique.»

Comment les activités de recherche et sauvetage s'y dérouleront-elles? Comment faciliter le transport de matériel dans le (très) Grand Nord?

«On a parlé souvent de dirigeables pour transporter du cargo dans l'Arctique, évoque M. Blondin. Est-ce que ce serait quelque chose que l'Aviation royale canadienne pourrait considérer?»

Verra-t-on décoller une industrie du dirigeable au Canada?