L'industrie aérospatiale québécoise n'a pas échappé à la récession de 2008-2009, mais les signes encourageants sont de retour. Et il faut être prêt, car la reprise pourrait être robuste, estiment les intervenants du secteur.

Si c'était le cas, rien ne réjouirait davantage la grande région de Montréal où un emploi sur 95 dépend directement ou indirectement du secteur de l'aérospatiale. Car en plus des grands donneurs d'ordre que sont Bombardier, Bell Helicopter Textron, Pratt&Whitney et CAE, on dénombre 15 équipementiers d'envergure et plus de 215 PME.

Puisqu'il s'agit de près de 40 000 emplois, et d'un chiffre d'affaires de 10,9 milliards, dont 80% de la production est exportée, on comprend facilement l'importance du secteur. Le Grand Montréal figure parmi les plus grands centres aérospatiaux du monde, avec Seattle et Toulouse où l'on retrouve les sièges sociaux de Boeing et d'Airbus.

Les perspectives sont favorables, selon Gilles Labbé, président de Héroux-Devtek, qui prévoit une demande soutenue pour les avions d'affaires l'an prochain. Les prévisions demeurent toutefois conditionnelles à la capacité de l'économie mondiale de croître de 2,5% à 3% par année, estime-t-il.

Une certaine nervosité quant aux perspectives est quand même palpable chez les investisseurs, comme l'a démontré la publication des résultats trimestriels de Bombardier le 31 août dernier.

Malgré des profits supérieurs aux attentes, de nouvelles commandes moins nombreuses que prévu et des prévisions de flux de trésorerie négatifs ont vite fait de malmener l'action du manufacturier québécois. Le titre a perdu près de 7% durant la journée.

5% sur 20 ans

Malgré le caractère cyclique de l'industrie, le besoin de nouveaux avions sera au rendez-vous pour plusieurs années à venir.

Le secteur de l'aéronautique devrait croître en moyenne de 5% par année durant les 20 prochaines années, estime Philippe Hoste, chef de la direction de Sonaca Montréal, un fabricant d'ailes d'avions. «Pas étonnant que le secteur suscite beaucoup d'intérêt», dit-il.

Conséquemment, de nouveaux joueurs investissent massivement dans le secteur.

La Chine, par exemple, se lance dans la production d'avions commerciaux. Le C-919, un appareil offrant entre 160 et 190 places, est en phase de conception, et les livraisons commenceront en 2016. Dès lors, l'empire du Milieu pourrait devenir un concurrent redoutable, menaçant même le duopole Airbus-Boeing.

Il leur faudra toutefois quelques années pour devenir aussi efficaces que les constructeurs actuels dont le défi sera de conserver cette longueur d'avance, selon M. Hoste.

Réduction des coûts

Le déplacement d'une partie de la production vers les pays à bas coûts de main-d'oeuvre est un phénomène inévitable, selon les dirigeants de l'industrie aéronautique.

Et cette question est au coeur de la problématique de la concurrence à laquelle fait face l'industrie.

Le nerf de la guerre pour l'industrie québécoise se situe maintenant dans la recherche et le développement ainsi que l'efficacité, explique le président d'Héroux-Devtek. «Il faut investir en R&D et les gouvernements doivent appuyer l'industrie», dit Gilles Labbé.

Il faut aussi que l'industrie devienne plus performante grâce à l'automatisation et à la productivité de sa main-d'oeuvre. «Notre stratégie de développement réside dans le savoir-faire», dit-il.

La recherche et la conception sont deux fonctions à haute valeur ajoutée qui assureront de nombreux emplois très bien rémunérés, ajoute le dirigeant.

Les intervenants sont unanimes. Le Québec possède un atout majeur pour affronter ce défi: la qualité de sa main-d'oeuvre.

Maintenir ce précieux actif continuera d'être un enjeu principal au cours des prochaines années.