Lorsqu'elle dit qu'elle étudie en génie de la construction, Anne-Sophie Lachapelle, 22 ans, se fait souvent parler de la réputation entachée du secteur.

Fascinée depuis toujours par la profession d'ingénieur, cette représentante de l'Association étudiante de l'École de technologie supérieure(AEETS) ne se laisse toutefois pas abattre par ces commentaires.

«La profession a été salie, mais à l'initiative de la Confédération pour le rayonnement étudiant en ingénierie au Québec (CREIQ), plusieurs associations étudiantes en génie ont sondé leurs membres sur l'enseignement de l'éthique. Un mémoire a été rédigé et il a été présenté à la commission Charbonneau (CEIC). Pour moi, ç'a été une lueur d'espoir pour la profession et j'ai eu envie de m'impliquer dans mon association étudiante. La nouvelle génération d'ingénieurs amènera une idéologie différente.»

Philippe Pinard, étudiant en troisième année au baccalauréat en génie industriel à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), affirme aussi que la Commission l'a fait réfléchir.

«On a donné des noms, il était question des plus grandes firmes de génie québécoises reconnues mondialement, dit-il. C'est certain qu'on se demande si en entrant dans la profession, la corruption fera partie du quotidien. Mais moi, je ne veux pas ça et personne à qui je parle à l'université n'a envie de frauder le système. Il ne faut pas juger tout le panier en raison de quelques pommes pourries.»

«Le fait que la profession ait été salie pousse à prendre le titre plus au sérieux», affirme Stéphane Jenkins, vice-président, affaires internes, AEETS.

Recrutement universitaire

Le génie demeure très populaire auprès des jeunes.

À l'École polytechnique, les inscriptions sont constamment en hausse. À l'automne, plus de 1000 nouveaux étudiants sont entrés en première année. La réalité démographique est un défi, mais l'arrivée d'étudiants étrangers à Polytechnique - 25% des inscriptions - compense. Le génie mécanique attire le plus d'étudiants.

L'Université McGill remarque pour sa part une croissance de la popularité des programmes en génie électrique, des mines et des matériaux.

L'Université Laval a aussi connu une hausse d'inscriptions pour ses programmes en génie. Elle atteint près de 6%. Seul le génie civil a baissé en popularité après des années de croissance.

La demande pour les ingénieurs civils et de la construction a explosé avec les grands besoins en infrastructures il y a quelques années. Alors que les universités formaient très peu d'ingénieurs civils à cette époque, les nouveaux étudiants ont afflué. Toutefois, la commission Charbonneau a ralenti la réalisation des projets et l'embauche en souffre.

L'ETS a tout de même placé plus de 900 étudiants en stage en génie de la construction en 2014, un record! Pour y arriver, elle a mis en place des bourses pour encourager les jeunes à se trouver des stages eux-mêmes.

Dans pratiquement tous les autres secteurs de génie, les employeurs s'arrachent les étudiants de l'ETS. Pour répondre aux besoins des entreprises, elle recrute en France.

De son côté, l'Université de Sherbrooke contingente ses programmes de génie afin de s'assurer d'offrir des stages à tous ses étudiants. Il y est particulièrement difficile d'entrer en génie civil et mécanique en raison du grand intérêt des étudiants. En génie informatique et électrique, les inscriptions sont en hausse de 30% environ depuis quelques années, mais les besoins des entreprises sont encore plus importants.

Passion, ambition et projets

Les jeunes rencontrés sont passionnés, ambitieux et ont plein de projets en tête pour leur avenir professionnel.

Stéphane Jenkins s'est décidé sur le tard à entreprendre des études en génie, mais l'intérêt avait toujours été présent.

«Enfant, je démontais des manettes de jeu vidéo et j'avais toujours de la difficulté à les remonter! Je me suis finalement décidé à faire mon cégep en technologies de l'électronique industrielle. Après une expérience de travail, j'ai décidé de m'inscrire au baccalauréat en production automatisée à l'ETS.»

Il s'intéresse particulièrement à la gestion de projets et d'équipes.

Philippe Pinard souhaite se garder plusieurs portes ouvertes. C'est d'ailleurs pour les nombreuses possibilités de carrière qu'il a choisi le génie.

«C'est un domaine très stimulant et le génie industriel m'intéresse particulièrement pour l'amélioration des procédés, indique l'ex-président de son association étudiante. Je suis ordonné, structuré et j'aime que les choses progressent.»

Il s'intéresse au domaine hospitalier, notamment à l'amélioration de la gestion de l'attente.

Étudiante en deuxième année au baccalauréat en génie de la construction, Anne-Sophie Lachapelle a d'abord réalisé une technique en architecture, où elle a pu exploiter son côté artistique.

«L'ingénieur, comparativement au technologue, peut gérer des équipes et concevoir plutôt qu'appliquer. Je crois en mes idées et l'expertise de l'ingénieur est importante pour répondre aux problèmes du marché. J'ai envie de travailler dans la chaîne d'événements qui mène à la réalisation de projets. J'aimerais limiter le gaspillage, faciliter la collaboration et amener plus d'efficacité. Je rêve d'une révolution dans la façon de construire des bâtiments; il y a une réflexion à faire.»