Dans un monde où les tâches confiées aux ingénieurs évoluent d'année en année, les centres de formation en génie se doivent d'être au diapason des besoins de l'industrie. Comment se présente la situation à Montréal? Des experts de l'industrie se prononcent.

De l'avis de Robert Leclerc, vice-président ingénierie, technologie et exploitation mondiales chez CAE, les universités québécoises remplissent particulièrement bien leur mission de former des ingénieurs compétents, notamment dans le secteur de l'aéronautique. «On a la chance de faire partie d'un pôle très bien développé, souligne-t-il. On est très choyés.»

Depuis l'an dernier, le secteur de l'aérospatiale mise sur de nouveaux diplômés, issus pour la première fois d'un baccalauréat de l'École polytechnique spécialisé dans ce domaine. Le programme, mis de l'avant en 2008 conjointement avec l'industrie, est venu répondre spécialement aux besoins du secteur.

Mais comme on peut toujours faire mieux, le gestionnaire de CAE fait des suggestions pour ajouter une plus-value à la formation des ingénieurs d'ici.

Selon lui, les futurs ingénieurs gagneraient en qualité si on leur offrait des cours spécialisés en simulation, à l'exemple de ce que font certaines universités américaines. Une expertise particulièrement chère aux yeux de l'entreprise spécialisée en simulation, tant dans les domaines de l'aéronautique que militaire, de la santé et des mines.

Habiletés personnelles

Il ne faudrait pas non plus négliger le perfectionnement des habiletés personnelles, selon lui. «L'ingénieur est de plus en plus amené à faire de la vente, autant à l'interne qu'à l'externe», explique Robert Leclerc.

Les jeunes ingénieurs gagneraient ainsi selon lui à approfondir, dans le cadre de cours ou d'ateliers, des qualités de leader et des aptitudes en présentation.

Des qualités interpersonnelles prisées aussi par l'employeur CGI, selon Line Soucy, associée et directrice du recrutement pour l'entreprise de services et de conseils en informatique. La firme valorise aussi la spécialisation de ses employés, en partie issus du génie informatique, par l'obtention de certifications. «Ces formations deviennent de très bons atouts pour eux», explique-t-elle.

Administration des affaires

Une situation particulièrement vraie dans un monde où les ingénieurs sont souvent appelés à assumer de nouvelles fonctions, selon Etienne Couture, président du Réseau des ingénieurs du Québec. Selon lui, il faudrait d'ailleurs exposer les ingénieurs en devenir au fait que le travail les conduira un jour à se spécialiser davantage. Pour ce faire, il propose d'inclure au programme de premier cycle des cours notamment de gestion.

«Une majorité d'ingénieurs ne feront pas ce travail toute leur vie, explique-t-il. Avoir déjà une idée de ce qu'est l'administration des affaires ou la gestion de projets pourrait les inviter à explorer ces avenues-là un jour.»

Former autrement

Si les programmes d'enseignement ne répondent pas toujours entièrement aux besoins des entreprises, celles-ci vont parfois user de méthodes de rechange pour trouver les talents et guider leur formation. C'est la stratégie qu'a adoptée le créateur de jeux vidéo Ubisoft.

«Les universités sont de très bons formateurs, mais n'ont pas les compétences qu'il faut en production de jeux vidéo comme les entreprises, explique Francis Baillet, vice-président aux ressources humaines et affaires corporatives chez Ubisoft. La clé du succès, ce sont des programmes mis en place par les entreprises pour soutenir la création.»

Pour parvenir à ses fins, l'entreprise a lancé dans 17 universités du monde, dont 8 au Québec, le concours Academia pour les étudiants qui souhaitent faire carrière dans le jeu. Le prototype de jeu qu'ils créent, dans le cadre d'une formation créditée, leur donne ensuite une chance d'être invités à l'école d'été de l'entreprise où ils seront formés par des experts de l'industrie.

«Des programmes comme ceux-là permettent aux étudiants de bien se lancer sur le marché du travail», souligne Francis Baillet.