Les grands événements de la vie soulèvent souvent des questions financières. La Presse Affaires est allée à la rencontre d'individus qui ont traversé ces moments charnières et qui ont accepté de faire partager leur histoire. Aujourd'hui: la planification successorale.

« Mon père avait l'habitude de nous répéter : "Mettez vos papiers en ordre." C'est ce que j'ai fait », raconte Denise Deveau, consultante en communications et en relations médias, qui a mis le point final à son testament en 2015. Une longue aventure qui a nécessité cinq années, deux notaires, plusieurs heures de réflexion, des rires et quelques larmes.

Si le processus a été si complexe - au point où il est devenu l'objet de plaisanteries parmi ses amis - , c'est parce que Denise Deveau n'a aucun héritier direct. En plus d'être la dernière d'une famille de quatre enfants, elle n'a ni conjoint ni progéniture. Ça complique drôlement les choses. À qui léguer son patrimoine ? « Il me fallait prendre des décisions comme si j'allais mourir demain matin », dit-elle.

Elle a rencontré un premier notaire en lui faisant une demande bien précise. « J'avais besoin d'un accompagnement intelligent et logique pour décider du partage de mes biens. Je ne voulais pas faire ça à la va-vite », indique-t-elle avec aplomb. Au bout d'une heure, le notaire a mis fin à la consultation. « Mais je n'avais pas fini. Je ne faisais que commencer », se désole-t-elle.

Déçue, Denise Deveau se tourne vers une deuxième notaire. Auprès d'elle, elle trouve une oreille attentive et l'expertise recherchée.

« Je voulais d'abord qu'elle me connaisse, explique-t-elle. Qui suis-je ? Quel est mon contexte familial et personnel ? Et si je me mariais un jour ? Quelle est ma vision de ma vie ? De mon patrimoine ? » - Denise Deveau

LE TABOU DE LA MORT

Denise Deveau a choisi de faire un « testament contrôlé », pour reprendre les mots de sa notaire. « Cela signifie que je voulais laisser des dispositions précises à ma liquidatrice, qui est mon associée, de manière à lui rendre la vie la plus facile possible », dit-elle.

Elle a tout planifié à la virgule près, du partage juste et équitable de son héritage entre les membres de sa famille à des dons planifiés à des fondations du Saguenay, sa région natale, en passant par l'emplacement de la concession et le lieu de la réception à la suite de ses funérailles. Elle a aussi prévu un testament numérique qui comprend tous ses mots de passe.

Pour éviter toute dispute, Denise Deveau a choisi de donner de son vivant ses biens les plus précieux, comme ses bijoux et ses oeuvres d'art. Elle a invité ses proches à choisir dès maintenant les objets qui leur faisaient envie. « Mon taux de réponse a été très bas, dit-elle en riant. La plupart ne voulaient pas. Ils désiraient plutôt faire ça après mon décès. Mais j'ai réussi à en convaincre quelques-uns. »

Traiter sa mort de son vivant exige du courage, a-t-elle constaté. « C'est une question extrêmement taboue, poursuit-elle. Pourtant, c'est une responsabilité importante. Je devais mettre de côté mes anxiétés et ma peine afin de penser à ceux qui restent. Au contraire, j'ai décidé de le faire avec une dose d'humour... même si j'étais souvent la seule à rire ! »

CONSEILS D'EXPERT

Voici les principales recommandations de Denis Preston, planificateur financier indépendant, pour mener à bien votre planification successorale.

Pour ceux qui ont un régime de pension agréé, vérifiez qui en est le bénéficiaire prioritaire. Tout dépend de la juridiction dont relève votre organisation. En général, la juridiction québécoise priorise le conjoint marié, tandis qu'au fédéral, ce sera le conjoint de fait.

Impliquez les survivants. Réunissez un conseil de famille, ne serait-ce que pour lui indiquer où sont vos papiers importants. Vérifiez auprès de votre liquidateur s'il est prêt à assumer la charge qui lui reviendra.

Faites un bilan successoral, c'est-à-dire le portrait de vos biens. Comparez-le aux besoins de vos survivants. S'il en manque, souscrivez une assurance vie. S'il y a un surplus, pensez à donner de votre vivant. Pour les grands-parents, un des meilleurs investissements reste le régime enregistré d'épargne-études.

Rédigez un mandat de protection en cas d'inaptitude. Car, rappelons-le, il n'est pas dit que vous saurez gérer vos biens jusqu'à la fin.