Au coeur de l'internet des objets se trouvent des données. Et Worximity, un système de capteurs conçu à Montréal, en génère beaucoup. C'est la technologie qu'utilise Viandes Central Bernard, un transformateur de volaille de Lachine, pour surveiller sa production en temps réel.

«Nous évaluons que cette technologie peut nous faire gagner au moins 2% en productivité d'ici un an, dit le président de Viandes Central Bernard, Billy Dedes. C'est beaucoup.»

Mais que fait exactement Worximity?

C'est un système qui permet de voir en direct ce qui se passe dans l'aire de production, qu'il s'agisse de la productivité, des temps d'arrêt ou du rendement des matières premières.

Des capteurs de Worximity sont installés sur les équipements de production et saisissent des renseignements comme le poids des produits ou le nombre de boîtes remplies.

Ces données, tout comme celles récoltées par des machines industrielles déjà branchées, sont ensuite envoyées vers l'application de Worximity, nommée Tileboard. Elle fonctionne sur les PC, les tablettes et les téléphones intelligents.

Les données sont ensuite hébergées dans le nuage afin d'y avoir accès de partout, à tout moment.

«Worximity sert à gérer l'information, dit Billy Dedes, de Viandes Central Bernard. Pour l'instant, nous l'utilisons seulement pour identifier ce que l'on produit et pour évaluer la cadence de production. S'il y a un problème, si ça ralentit, on le découvre immédiatement.»

L'installation du système, entamée cette année, sera terminée d'ici quelques semaines. Worximity pourra alors également être utilisé pour calculer le rendement, soit le poids des cuisses, des pilons et des autres aliments produits par rapport au poids de la matière première, des poulets entiers.

«Je pourrai évaluer la quantité de viande perdue dans la transformation, déterminer mes coûts et choisir les fournisseurs qui me permettent d'obtenir les meilleurs rendements», dit Billy Dedes.

Et comme les gestionnaires seront en mesure d'évaluer la vitesse de production précisément et en temps réel, ils pourront aussi mettre en place des objectifs ainsi que des mesures incitatives pour les atteindre.

«Éventuellement, nous mettrons en place un système de bonus pour les employés qui atteignent les buts fixés en matière de rendement et de productivité.»

Le système permettra également de gagner du temps.

«Nous avons beaucoup de paperasse, mais notre usine sera bientôt complètement numérique, dit Billy Dedes. C'est un grand avantage pour nous. On aura les chiffres en direct plutôt que d'attendre au lendemain, comme avant.»

Jusqu'à présent, il fallait par exemple inscrire à la main le poids des produits entrants et sortants pour ensuite calculer le rendement, aussi à la main.

Billy Dedes n'est pas inquiet de voir des individus ou des logiciels malveillants dérober les données de son entreprise maintenant qu'elles sont numériques.

«Cette technologie est sécurisée, comme nos courriels et notre système de comptabilité et de paiement.»

Précaution c. innovation

Dans le domaine des affaires plus largement, il semble toutefois que l'explosion de données causée par le branchement au web d'une foule d'équipements, l'internet des objets, s'accompagne parfois de craintes.

«L'espionnage industriel n'a jamais été aussi en forme», note Vincent Gautrais, titulaire de la chaire L.R. Wilson sur le droit des technologies de l'information et du commerce électronique de l'Université de Montréal.

«Dans la mesure où les entreprises produisent de plus en plus de données, ces chiffres sont forcément susceptibles d'intéresser la concurrence.»

C'est vrai en particulier pour les firmes détenant des informations de secret national. Il y a aussi des enjeux en matière de droit du travail, puisque les données permettent de suivre les employés de plus près.

«Pour l'encadrement législatif, où on s'arrête?», demande Vincent Gautrais.

«La vision nord-américaine relative à la réglementation, c'est d'utiliser les données et de voir ensuite comment les encadrer. En Europe, il y a un réflexe plus suspicieux. Ça donne un avantage à la compétition établie ici.»

C'est donc un combat de la précaution contre l'innovation. Vincent Gautrais se garde bien d'affirmer qu'une approche est meilleure que l'autre.

Mais, selon lui, l'encadrement nord-américain des technologies par l'autoréglementation et la négociation avec l'industrie, quitte à ajuster le tir, a donné de bons résultats.

«Je ne crois pas que Google aurait pu être créé en Europe.»

Quelques chiffres



170

Nombre d'employés

100 millions

Chiffre d'affaires annuel

50 000 pi2

Taille de l'usine de Viandes Central Bernard