Le Québec a besoin d'un cadre réglementaire et de financement adapté pour parvenir à structurer la filière de la biomasse forestière, selon de nombreux acteurs du secteur.

Après avoir dévoilé sa stratégie énergétique en avril, le gouvernement du Québec est donc attendu au moment de déposer le projet de loi de sa politique énergétique, qui doit concrétiser les orientations.

L'utilisation de la biomasse forestière représente un potentiel intéressant pour les communautés locales à condition d'optimiser la chaîne d'approvisionnement, affirme Jean-François Samray, président de l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable (AQPER). « Plusieurs pays le font déjà, comme la Finlande et la Suède », indique-t-il.

SÉCURISER L'APPROVISIONNEMENT

Or, le système actuel de mise en marché du bois fait que les volumes disponibles peuvent varier d'une année à l'autre, poursuit M. Samray. Cela a pour effet de rendre les approvisionnements trop imprévisibles pour alimenter la filière. « Cette incertitude sur la quantité et sur le coût représente un des principaux freins au déploiement de la filière », ajoute M. Samray.

Le président de l'AQPER mise gros sur le prochain projet de loi sur la politique énergétique du gouvernement du Québec. « Ce projet de loi sera déterminant », affirme-t-il, en espérant que le texte offrira le cadre réglementaire nécessaire à la valorisation de la biomasse forestière.

Le Québec a aussi un autre défi : la renégociation en cours sur le bois d'oeuvre avec les États-Unis.

« La dernière fois, cela avait fait très mal à l'industrie. Le Québec doit valoriser au maximum sa forêt et limiter les pertes : cela implique d'aller chercher plus d'efficience dans la chaîne de valeur. » - Jean-François Samray, président de l'Association québécoise de la production d'énergie renouvelable

Et ce cadre réglementaire est aussi attendu par le secteur financier, prêt à investir dans une filière prometteuse à condition que les risques soient encadrés. « La moitié des coûts d'une usine de cogénération d'électricité sont liés au coût de la biomasse, précise M. Samray. Si le prix de la ressource fluctue trop, le risque est trop important. »

APPEL À L'AIDE

Mais ce cadre réglementaire devra aussi être suivi des budgets nécessaires pour que la filière franchisse de nouvelles étapes. Il y a un an, Fondaction a lancé son Fonds Biomasse Énergie, qui a distribué plusieurs millions de dollars à des coopératives forestières pour mettre en place des centres de conditionnement de la biomasse forestière. Ces centres sont essentiels pour broyer et pour sécher suffisamment la matière afin de lui donner la qualité nécessaire à sa transformation en énergie. « Des subventions du Québec nous aideraient », lâche Claire Bisson, chef adjointe à l'investissement chez Fondaction.

UN PROGRAMME SANS FONDS

Ces subventions provenaient du Bureau de l'efficacité et de l'innovation énergétiques (BEIE). Mais depuis deux ans, cet organisme, doté d'un programme sur la biomasse forestière, ne dispose plus de fonds pour alimenter ce programme, dénonce Alexandre Belleau, cofondateur de beloTEQ, une firme de conception d'équipements clés en main dans le domaine de la bioénergie. « Ce programme était très intéressant : un projet pouvait être financé à 60 % », indique-t-il. De tels coups de pouce financiers étaient susceptibles de permettre au Québec de réduire le retard avec les pays européens, en pointe dans ce domaine, poursuit-il.

« On ne sait pas quand les budgets seront de retour au BEIE, lance M. Belleau, mais ce jour-là, il y aura une file d'attente pour déposer des projets ! »

QU'EST-CE QUE LA BIOMASSE FORESTIÈRE ?

La biomasse forestière désigne les résidus de l'exploitation des forêts et du sciage. Ces cimes d'arbre, ces branches et ces copeaux, habituellement laissés par terre, peuvent être brûlés pour libérer de l'énergie. Cette utilisation traditionnelle de la biomasse forestière fait une place grandissante à de nouveaux procédés de valorisation, comme la transformation de ces résidus en biocarburant. La transformation de la biomasse en énergie doit cependant se faire à proximité du lieu de récolte, en raison de la densité énergétique peu élevée de cette matière. Sinon, le coût du transport rend l'opération financièrement dissuasive.

Photo Russell Cheyne, Archives Reuters

Plusieurs entreprises québécoises tentent désormais d’exploiter le filon de la biomasse, qui dort dans nos forêts.

Photo fournie par l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable

Jean-François Samray est le PDG de l’Association québécoise de la production d’énergie renouvelable (AQPER).