En dépit de son immense potentiel économique, l'industrie pétrolière peine à carburer aux bonnes nouvelles et demeure confrontée à un problème d'image et d'éthique environnementale. La tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic, qui a fait s'élever au-dessus de cette ville un épais nuage noir, est venue ranimer le débat entourant les normes de sécurité pour le transport de matières dangereuses.

«Ça nous a fait réaliser que le trafic ferroviaire pour acheminer le pétrole comporte des risques et qu'il est beaucoup plus dangereux, et plus coûteux, que le pipeline, constate Germain Belzile, professeur à HEC Montréal. Et personne ne peut plus ignorer que ces trains passent dans nos villes, avec les risques que cela comporte.»

Il croit même que le drame qui a coûté la vie à 47 personnes à Lac-Mégantic, au début de l'été, contribuera à faire «réviser la position des sceptiques» qui s'opposent aux oléoducs pour faire couler l'or noir en provenance de l'Alberta. «Le pipeline est de loin la façon la plus sécuritaire d'amener du pétrole à un endroit», signale-t-il.

Le professeur n'hésite d'ailleurs pas à affirmer que l'acheminement du pétrole de l'Ouest dans les oléoducs constitue un enjeu majeur pour le développement des raffineries québécoises, dont les approvisionnements dépendent essentiellement du brut importé de l'Algérie et du Venezuela. Il fait allusion au nouvel oléoduc projeté par TransCanada, entre l'Alberta et les Maritimes, et celui d'Enbridge, dont on envisage d'inverser le flot.

«Ce serait assurément bénéfique pour nos raffineries et ça contribuerait à maintenir, et même à créer chez nous, des emplois de qualité et bien rémunérés», fait-il valoir. Ces deux raffineries, ce sont celles de Suncor (dans l'est de Montréal) et d'Ultramar (à Saint-Romuald, près de Québec).

Toutefois, si ces projets avortaient, Germain Belzile craint fort que les perspectives d'avenir «ne soient pas très bonnes» pour les raffineries québécoises, qui souhaitent s'approvisionner en carburant à moindre coût pour soutenir leur croissance.

Il ne va pas jusqu'à prétendre que le Québec est au bout de ses pompes, avec seulement deux raffineries et une part de raffinage qui a chuté de 22 à 16% avec la fermeture de la raffinerie Shell en 2011. Mais il demeure réaliste. «Nous avons besoin du pétrole de l'Ouest», résume-t-il.