Si le nouveau Code de procédure civile vise à améliorer l'accessibilité et la célérité du système de justice, il chamboule également le travail et les façons de faire des avocats de la province. Sept d'entre eux expliquent les impacts de la réforme sur leur pratique.

FRANÇOIS VIAU, ASSOCIÉ, GOWLINGS

L'avocat accueille favorablement la réforme. Il estime qu'on devra désormais toujours avoir à l'esprit les principes philosophiques du nouveau Code. « Ça amènera beaucoup plus de civilité au débat judiciaire, et on devra collaborer beaucoup plus. Les juges pourront d'ailleurs intervenir très tôt dans le processus pour s'assurer que les principes sont respectés », dit-il.

Il représente plusieurs créanciers, dont des institutions financières et des syndics de faillite. « Leurs recours seront affectés. Une nouvelle section dans le Code traite notamment de l'exécution des jugements. Lorsqu'un jugement est rendu contre quelqu'un, cette personne disposera de nouveaux outils. Elle pourra par exemple payer par versements sur un an. C'est majeur pour mes clients. »

ANNIE BERNARD, ASSOCIÉE, FASKEN MARTINEAU

L'avocate a hâte de voir ce que la réforme donnera concrètement. « Souvent, les clients nous appellent et sont en mode confrontation. Il faudra adopter une approche différente et leur expliquer la nouvelle façon de procéder. »

L'associée travaille en droit de la construction. « Dans ce secteur, on a besoin d'expertises. Plusieurs choses changent par rapport à cela. On ne pourra plus déposer plus d'une expertise par domaine. Le juge pourrait imposer un seul expert pour les deux parties afin de diminuer les coûts. Ce point fait peur à pas mal de monde. Les interrogatoires hors cour seront aussi limités, et les objections sur la pertinence n'auront plus leur place. Le témoin devra répondre à toutes les questions. »

EMILE VIDRASCU ET JULIE COUSINEAU, ASSOCIÉS, LAVERY

Les deux associés en litige portent le bâton de pèlerin de la réforme depuis longtemps. « Le nouveau Code nous donne plus d'outils pour aider nos clients, qui nous aimeront davantage », estime Me Vidrascu.

« On pourra offrir à nos clients des litiges moins coûteux, plus rapides et plus ciblés. On pourra avancer beaucoup plus par étapes, chaque fois qu'un problème survient », ajoute sa collègue. D'emblée, les parties définiront les questions en litige, la preuve et comment les interrogatoires se dérouleront.

« Les décisions importantes se prendront en amont, explique Julie Cousineau. On devra avoir une connaissance approfondie du dossier. Ce qui est nouveau, c'est l'accent mis par le législateur pour que les parties se parlent. »

PIERRE DALPHOND, AVOCAT-CONSEIL SENIOR, STIKEMAN ELLIOTT

L'ancien juge croit que le nouveau Code n'est pas la solution à tout. « En 1864, Louis-Hyppolyte Lafontaine dénonçait déjà les coûts et les délais du système de justice ! »

Les cabinets devront, selon lui, redéfinir l'avocat comme celui qui règle les problèmes, et non plus comme un gladiateur. « L'objectif est noble, mais on ne se le cachera pas : l'État cherche à impartir la justice, envoyer les dossiers au privé, où il ne paiera pas. L'infrastructure de justice coûte cher, et l'État veut économiser. Si les ressources n'augmentent pas, les juges auront moins de temps pour entendre les dossiers. Ça créera un climat de compétition entre les tribunaux étatiques et les médiateurs. »

ROBERT-JEAN CHÉNIER, ASSOCIÉ, MCCARTHY TÉTRAULT

L'avocat en droit de la santé a bon espoir que le nouveau Code entraînera un changement de culture. « On pourra préparer un protocole préjudiciaire, échanger de l'information avant d'aller en cour et voir si on peut trouver une solution. Il y aura beaucoup plus de transparence vis-à-vis des clients. Par exemple, le client aura une copie du protocole qui explique les étapes à suivre. Les experts, moins nombreux, auront aussi un devoir d'objectivité à la cour. »

Les avocats devront également s'habituer à une nouvelle terminologie. « Le langage change. On ne fait notamment plus des requêtes, on fait des demandes en cour d'instance et le subpoena devient une citation à comparaître. »

JULIE HIMO, ASSOCIÉE, NORTON ROSE FULBRIGHT

Spécialisée en litiges commerciaux, Me Himo croit que le processus sera simplifié. « Il y aura moins d'écrits, on travaillera de concert avec la partie adverse sur plusieurs documents. La durée des interrogatoires sera limitée selon le montant en litige. Ça amènera plus de collaboration. »

L'associée admet que les avocats devront s'adapter à plusieurs changements. « Comme les débats se feront maintenant oralement, ça demandera un certain effort pour comprendre la position de l'autre partie, illustre-t-elle. On doit aussi laisser le témoin répondre même si la question n'est pas pertinente. Certains dossiers, comme les vices cachés ou ceux où la personne se représente seule, pourront également bénéficier d'une gestion hâtive. »