Tout n'est pas encore joué en dépit des accords de libre-échange intervenus entre le Canada et l'Union européenne et, plus récemment, entre les pays de la zone Asie-Pacifique, et il faudra «réviser en profondeur» les lois et les réglementations touchant le commerce avant de passer à la prochaine étape, prévient Me Simon Potter, avocat spécialisé en commerce international.

«C'est un exercice qui s'annonce complexe», fait observer l'avocat chez McCarthy Tétrault, qui exerce le droit international depuis près de 40 ans. Il s'attend à ce que ce travail de révision tienne «fort occupés» les cabinets d'avocats et leurs équipes spécialisées, qui devront plonger dans les volumineux documents juridiques.

«À titre d'exemple, explique Me Potter, en ce qui concerne le secteur de l'automobile, il faudra tenir compte des nouveaux droits de douane qui vont s'appliquer pour l'importation ou l'exportation de pièces, qui proviendront désormais d'une multitude de nouveaux fournisseurs de plusieurs pays.

«Dans la transformation agroalimentaire, ajoute-t-il, c'est le secteur laitier qui devra s'assurer que le lait vendu au Canada et provenant des fermes américaines respecte la réglementation sanitaire et s'il renferme des hormones proscrites. Il y a là, en perspective, beaucoup de travail de rédaction de documents, et de possibles contestations auprès des instances réglementaires, comme l'Organisation mondiale du commerce (OMC).»

En résumé, Me Potter signale que les entreprises, qu'elles soient importatrices ou exportatrices, devront se montrer encore plus vigilantes.

«Le droit de dumping et d'antisubvention ne va pas mourir parce qu'on élargira les frontières du commerce!», lance-t-il en boutade.

Protéger les marques de commerce

Mais là ne s'arrêtent pas les préoccupations des avocats qui conseillent leurs clients tournés vers les marchés planétaires, ou qui craignent les contrecoups de l'entrée massive de produits dans leurs propres marchés.

«Nous disons à nos clients qu'ils doivent protéger leurs marques de commerce, s'ils décident d'aller en Chine, par exemple, pour éviter que quelqu'un d'autre, qui serait mal intentionné, se l'approprie frauduleusement», souligne, de son côté, l'avocate Micheline Dessureault, directrice du département de propriété intellectuelle et des affaires internationales chez Joli-Coeur Lacasse, à Québec. C'est la première chose à faire.

«Ça ne coûte pas une fortune pour enregistrer son nom, calcule-t-elle. Ça peut nécessiter un déboursé de tout au plus 5000$, sur le continent européen.»

La marque de commerce fait partie des nombreux éléments qui doivent être pris en compte, précise l'avocate qui pratique depuis 30 ans. «Nous aidons les entreprises à mesurer tous les aspects légaux liés à leurs projets d'exportation, explique-t-elle. Ça peut signifier la création d'une société à l'étranger, ou encore ouvrir une usine aux États-Unis.»

Experts d'industries

Chose certaine, la ratification de traités internationaux va amener de l'eau au moulin - et une occasion de hausser leurs revenus de tarification - au sein des cabinets d'avocats tournés vers le commerce.

«Ça exige que les cabinets investissent plus d'efforts et d'énergie pour mener leurs dossiers, relativise l'avocat Clemens Mayr, également chez McCarthy Tétrault. Il ne suffit plus d'être d'excellents avocats, mais aussi des experts d'industries.

«Mais si on ne s'adapte pas, on perd des marchés», relève-t-il. Mais à l'inverse, les cabinets d'avocats qui sont montés dans le train de la mondialisation seront les premiers à en récolter les dividendes.

Or, ces négociations à l'international demandent de nombreux déplacements. «Il ne faut pas avoir peur de prendre l'avion, d'aller là où souhaitent aller nos clients, souligne Me Mayr. Il y a une règle à respecter. Si on veut bâtir notre crédibilité, nous nous devons de bien connaître leur business et les enjeux de l'industrie.»

La pression

Pour sa part, l'avocat Éric Bédard, associé directeur chez Fasken Martineau, observe que la mondialisation des échanges commerciaux crée de la pression, non seulement au sein des entreprises elles-mêmes, mais aussi chez les grands cabinets d'avocats qui conseillent leurs clients.

«Les enjeux réglementaires sont grands et multiples, constate-t-il. Cela exige qu'on ait des équipes multiservices, comme c'est le cas chez nous, pour trouver des pistes de solution.»

Mais il n'y a pas de formule miracle en droit des affaires, fait-il valoir. «Nous suivons en quelque sorte l'économie, donne-t-il en image. On essaie d'être en phase avec les entrepreneurs et les entreprises. Ce sont les entreprises qui commandent des services professionnels aux firmes d'avocats.»