En 32 ans, Héroux-Devtek est passée du statut de petite entreprise à celui de troisième fournisseur de trains d'atterrissage au monde. Gilles Labbé, président et chef de la direction d'Héroux-Devtek, revient sur le parcours de l'entreprise de Longueuil.

À QUOI RESSEMBLAIT HÉROUX-DEVTEK IL Y A 30 ANS ?



Quand nous avons racheté Héroux en 1985, mon associé Sarto Richer et moi, l'entreprise réparait les trains d'atterrissage d'avions militaires. Notre grand client était l'armée de l'air américaine, que nous servons toujours aujourd'hui. Nous fabriquions aussi des trains d'atterrissage pour Canadair. Notre chiffre d'affaires était de 12 millions de dollars, avec une dette presque aussi importante.

QUELLE EST LA PREMIÈRE MARCHE DÉTERMINANTE QUE VOUS AVEZ FRANCHIE ?



Nous n'étions pas riches, mais nous avions une relation particulière avec l'armée américaine. Nous avons alors décidé de pénétrer le marché des pièces de rechange en fournissant nos propres pièces. Cette démarche a été un succès : notre chiffre d'affaires est passé à 60 millions de dollars en quelques années. À partir de là, nous avons convaincu Lockheed Martin puis Boeing de nous confier la fabrication de leurs trains d'atterrissage. Nous avons continué en investissant en recherche et développement (R-D) à partir des années 2000. Aujourd'hui, notre bureau d'études emploie plus de 100 personnes.

VOTRE STRATÉGIE S'EST BÂTIE SUR DES ACQUISITIONS ?



Oui, nous avons notamment acquis Eagle Tool & Machine, notre principal concurrent aux États-Unis, qui fabrique des pièces de rechange pour l'armée de l'air et la marine américaines. Ce rachat nous a permis d'avoir des usines situées à proximité de nos principaux clients aux États-Unis.

VOTRE CROISSANCE EST AUSSI PASSÉE PAR DES CESSIONS D'ACTIVITÉS ?



De 1985 à 2012, nous avons grandi en maintenant trois divisions : les trains d'atterrissage, l'aérostructure et l'industriel. Nous avons ensuite vendu les deux dernières pour nous concentrer sur les trains d'atterrissage. Le montant de ces ventes a permis de désendetter l'entreprise, tout en retournant plus de 150 millions de dollars aux actionnaires. Bien sûr, notre chiffre d'affaires a diminué, passant de 380 à 250 millions. Mais cette stratégie nous a permis de gagner notre plus gros contrat, celui des trains d'atterrissage du 777 de Boeing. Et aujourd'hui, nos ventes annuelles s'élèvent à plus de 400 millions.

COMMENT S'EST TRADUITE CETTE ÉVOLUTION SUR L'IDENTITÉ DE L'ENTREPRISE ?



Nous sommes devenus très centrés sur les produits propriétaires. Nous voulons devenir encore plus important dans le monde. Aujourd'hui, nous pouvons investir des sommes importantes pendant cinq ou six ans, avant de commencer à vendre. Un nouveau cycle de cinq à sept ans commence alors... Cela prend donc une douzaine d'années pour récupérer les sommes investies. Parallèlement, nous gardons un chiffre d'affaires réparti à taille égale entre l'aviation civile et le secteur de la défense. Et nos revenus sont tout aussi diversifiés entre les équipements d'origine et les pièces de rechange.

AVEC LE RECUL, QUELLE RECOMMANDATION DONNERIEZ-VOUS À UNE PME QUI AMBITIONNE DE SE FAIRE UNE PLACE DANS LES CHAÎNES D'APPROVISIONNEMENT ?



Elle doit devenir la championne dans un domaine très précis, en misant sur un savoir-faire pointu. Il faut grandir en se concentrant dans le domaine où on est bon. En aérospatiale, il ne faut pas vouloir tout faire. Seuls quelques grands groupes peuvent le faire, mais ils disposent de moyens financiers énormes. Cela prend une logique industrielle pour développer une entreprise, sinon on se trouve en concurrence avec tout le monde !