De l'aéronautique à la médecine, en passant par les services financiers ou l'industrie automobile, l'intelligence artificielle est maintenant présente dans un nombre croissant de secteurs d'activité. Or, un domaine aussi traditionnel que l'agriculture ne fait pas exception, alors que cette nouvelle ère informatique lui ouvre aussi un tout nouveau champ de possibilités.

« Les technologies d'aujourd'hui permettent de recueillir une foule d'informations utiles pour les producteurs agricoles », affirme Étienne Dupuis, coordonnateur marketing d'Intelia, une entreprise de Joliette spécialisée dans la conception de contrôles électroniques et la gestion de données de production pour l'industrie agricole.

Comme bon nombre d'entreprises, Intelia a pris naissance dans le garage d'un de ses fondateurs, Claude Bouchard, un ingénieur électronique. À ses débuts en 1999, Intelia concevait des solutions électroniques pour des entreprises du secteur industriel, comme le déclenchement de barrières pour fermer des voies sur une autoroute ou le fonctionnement de pavés tactiles pour l'industrie du jeu vidéo.

ALGORITHME ET POULAILLERS

En 2005, des éleveurs de volaille frappent à la porte d'Intelia, en quête d'outils pour les aider à mieux contrôler et optimiser leur production. Un an plus tard, « une dizaine de producteurs, de la région et d'ailleurs au Québec, sont même devenus actionnaires de l'entreprise parce qu'ils souhaitaient investir pour aider l'entreprise à prendre de l'expansion », souligne Étienne Dupuis.

La PME prend alors un virage agricole et conçoit une gamme de contrôleurs intelligents de gestion de la production. Elle a ainsi conçu et fabriqué des capteurs qui permettent notamment de maîtriser les degrés d'humidité dans les sites d'élevage, ainsi que des balances à poulet qui donnent le poids moyen des poulets et l'historique de leur courbe de croissance.

Plus récemment, Intelia a mis au point une balance électronique dont l'analyse de données, réalisée grâce à des algorithmes, permet même de prédire le poids des poulets sur une période de 14 jours. 

« Le système recueille des données sur le poids, la température ou la consommation de moulée, par exemple, ce qui permet d'obtenir des projections de croissance et d'apporter des correctifs en cours de route. » - Étienne Dupuis, coordonnateur marketing d'Intelia

Le système a été développé par un spécialiste en algorithme et en analyse de données, recruté récemment, qui n'a pas hésité à s'asseoir pendant plusieurs heures dans un poulailler, muni de son ordinateur, pour mieux étudier le comportement des poulets !

À L'ASSAUT DES ÉTATS-UNIS

Équipée de cette nouvelle balance électronique, Intelia se lance maintenant à l'assaut des États-Unis, où elle vend déjà ses capteurs et balances à poulet depuis 2007 et réalise 50 % de ses revenus. « La concurrence est très forte et dominée par des multinationales. Mais nous sommes les seuls maintenant à offrir des analyses si avancées de données », fait valoir Étienne Dupuis.

Ce nouveau système a d'ailleurs piqué la curiosité de plusieurs grandes entreprises agroalimentaires américaines, spécialisées dans l'élevage et la transformation de volaille, qui l'ont récemment implanté à l'essai dans leurs sites de production.

La technologie de pointe d'Intelia a aussi séduit des investisseurs en capital de risque qui ont injecté d'importantes sommes d'argent ces dernières années pour lui ouvrir davantage les portes du marché américain et même à l'international. Avrio Capital, un fonds canadien de capital-risque de l'Alberta spécialisé dans le financement d'entreprises agroalimentaires, en est ainsi devenu actionnaire en mai 2016.

« La numérisation de la vie animale représente une nouvelle frontière pour l'agriculture de précision et aucune entreprise n'est mieux placée pour la franchir. » - Aki Georgacacos, directeur général et cofondateur d'Avrio Capital, en mai 2016 

D'autres investisseurs avaient participé à une première ronde de financement en décembre 2014, dont le fonds Desjardins-Innovatech et des membres d'Anges Québec, parmi lesquels figure l'ancien chef de la direction de La Coop fédérée, Claude Lafleur, qui est du même coup devenu président du conseil d'administration d'Intelia.

Intelia s'est aussi associée, il y a plus d'un an, avec le fournisseur ontarien Canarm AgSystems afin d'accélérer son expansion sur le marché canadien. La PME, dont les effectifs ont doublé à 40 personnes depuis un an, souhaite aussi étendre ses activités à l'industrie porcine et laitière, à moyen et plus long terme. Ses équipements sont aujourd'hui implantés dans quelque 14 000 fermes, principalement au Canada et aux États-Unis.

FORCES DE LA RÉGION

« La région offre un grand encadrement pour les entreprises. Pour nous, elle a aussi l'avantage d'être située à proximité d'un milieu agricole et d'un pôle économique important comme Montréal. » 

- Étienne Dupuis

DÉFIS DE LA RÉGION

« Le recrutement de la main-d'oeuvre spécialisée est difficile et il y a un manque au niveau de la formation technologique. » 

- Étienne Dupuis

Photo fournie par Intelia

Le technicien de production d'Intelia Sylvain Boucher perce les boîtiers qui deviendront bientôt des contrôleurs.