Véronique touche un salaire de 67 000$, n'a pas d'enfant, mais ne réussit pas à épargner.

Elle est employée depuis une vingtaine d'années par la fonction publique, où elle bénéficie d'un excellent régime de retraite.

Il y a quatre ans, elle a acheté sa première propriété, hypothéquée à hauteur de 189 000$. «Si je possède un condo, c'est parce qu'il était possible d'acheter sans mise de fonds», confie-t-elle avec un brin d'ironie.

Les 10 000$ qu'elle a retirés de son REER avec le RAP - le vidant pour l'occasion - ont servi aux frais afférents à la transaction.

«J'étais contente d'avoir réussi à épargner cet argent-là, mais après, je ne me suis plus souciée de l'épargne!»

Depuis, son REER est demeuré désespérément vide: elle n'a pas fait les remboursements à son REER et n'a plus épargné.

Pire, pour la première fois, elle a accumulé un solde impayé sur le compte de sa carte de crédit.

«Je me suis demandé comment je pouvais en être arrivée, avec le salaire que je fais, à ne pas avoir ni épargne ni REER et à avoir une somme en souffrance sur ma carte de crédit», relate-t-elle.

Cette prise de conscience l'a incitée à consulter les conseillers budgétaires de l'ACEF de l'Est de Montréal.

«Je leur ai expliqué à quel point on se pose des questions, aujourd'hui. Dans mon entourage, personne n'a la même idée de ce qu'il faut faire. Quelqu'un m'a fait mettre de l'argent dans un CELI dernièrement. Un ami comptable m'a demandé pourquoi j'avais fait ça. Mon père a une autre opinion des REER et pense que le CELI est préférable. On ne s'y retrouve pas.»

Analyse budgétaire

Véronique a eu le bon réflexe. En dépit de son désintérêt des questions financières, elle s'est empressée de consulter des spécialistes.

«Je fais également un suivi hebdomadaire avec un ami comptable afin de reconstruire mes habitudes financières», confie-t-elle.

Pourquoi ne réussit-elle pas à épargner? La planificatrice financière Hélène Bronsard, vice-présidente chez Raymond Chabot gestion privée, s'est penchée sur les données compilées lors des rencontres avec l'ACEF. Sur un revenu net de 42 579$, elle réserve 20 490$ pour les dépenses de logement. «On constate que le logement accapare 48% de son revenu net», observe la planificatrice. «Si le taux d'intérêt augmente fortement, elle sera en difficulté.»

Elle a comparé cette considérable proportion avec la répartition typique des dépenses d'un ménage québécois.

Sur un revenu net similaire - 43 362$ -, le ménage moyen consacre 36% au logement, soit 15 631$.

«Toutefois, ajoute-t-elle, cet écart est contrebalancé chez Véronique par une enveloppe de transport nettement inférieure à la moyenne.»

Comme elle n'a pas de voiture, ses dépenses de transport se limitent à 1716$, alors que le ménage moyen y engouffre 8380$.

Par où commencer?

Véronique doit réussir à épargner. Mauvais démarrage, elle songe à se procurer une voiture.

En supposant que ses dépenses de transport grimpent ainsi à 6000$ par année, les postes transport et logement occuperaient 62% de son revenu net, plutôt que 52% à l'heure actuelle - et 55% pour le ménage moyen.

«Il ne restera que 16 000$ par année pour assumer toutes les autres dépenses, fait valoir Hélène Bronsard. Est-ce réaliste et faisable?»

En manière de compromis, elle lui suggère d'abord de tester pendant six mois sa capacité à dégager chaque mois les quelque 500$ nécessaires.

Mais où produire de l'épargne? Hélène Bronsard suggère une piste: pourquoi Véronique ne loue-t-elle pas l'espace de stationnement inutilisé qu'elle possède avec son condo?

CELI ou REER?

Privilégier le CELI ou le REER? «Ça dépend de son taux d'imposition, de son environnement financier, de sa capacité d'épargne, répond notre planificatrice. Véronique a un bon régime de retraite auquel elle cotise au maximum, n'a aucune épargne, et n'a pas de coussin de sécurité.»

La réponse pour Véronique: le RAP avant tout! Les 10 000$ qu'elle a retirés du REER doivent être remboursés à raison de 1/15e par année, soit 666$. Véronique n'a encore fait aucun versement. Dans son cas, il s'agit pourtant d'une priorité, en raison de son taux marginal d'imposition de 38,4%: tout remboursement omis est ajouté à ses revenus imposables, produisant une facture fiscale de 256$. Ce remboursement constitue d'ailleurs une manière de contribuer à son REER.

L'autre urgence est la constitution d'un coussin de sécurité de 10 000$ dans un CELI, où le rendement est préservé de l'impôt, et d'où les retraits d'urgence ne seront pas imposés. Les nouvelles épargnes que Véronique tentera de dégager, avec la location de son stationnement par exemple, pourraient être consacrées à cet objectif.

Une fois ce coussin bien rembourré, Véronique pourra diriger ce montant mensuel vers le paiement accéléré de son hypothèque. Idéalement, elle devrait rembourser suffisamment de capital pour ramener les dépenses de logement à une part plus raisonnable de son budget. «À un tiers des revenus nets, indique Mme Bronsard, elle sera parvenue dans une zone confortable et pourra faire autre chose.»

Ce sera alors le tour du REER. Ou de la voiture, si sa planification budgétaire le lui permet.

La situation

Véronique, âgée de 42 ans, n'a plus aucune épargne REER. Il y a quatre ans, elle s'est servie du RAP pour retirer les 10 000$ qu'elle y détenait, à l'occasion de l'achat de sa première propriété.

Comment épargner? Doit-elle accorder la priorité au CELI ou au REER? Les avis qu'elle reçoit divergent.

Les données

Véronique, 42 ans

Revenus: 67 000$

Revenus nets: 42 579$

Dépenses de logement: 20 490$

Propriété: condo d'une valeur d'environ 250 000$

Hypothèque: 189 000$

Solde du RAP: 8000$

L'analyse

La priorité: le RAP! Véronique n'a remboursé aucun retrait RAP à son REER. Les sommes dues chaque année ont donc été ajoutées à son revenu et imposées en conséquence. Ensuite: constituer un coussin de sécurité de 10 000$ dans un CELI. Puis accélérer le remboursement du capital sur le lourd prêt hypothécaire. Et enfin le REER.

«Tant que le coût du logement occupera une part aussi importante de son revenu net, Véronique devra faire des concessions du côté du projet auto ou dans ses autres choix de vie.»

Hélène Bronsard,

vice-présidente, Raymond Chabot gestion privée