Il y a d'abord eu les formules enrichies de vitamines, puis celles de minéraux, d'antioxydants et d'oméga-3. Aujourd'hui, impossible de ne pas croiser sur les tablettes des épiceries ces aliments dits «fonctionnels» censés améliorer la santé de ceux qui les consomment. Une tendance qui n'est pas prête de s'essouffler.

C'est ce que croit Yves Pouliot, directeur de l'Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels (INAF), regroupement d'une soixantaine de chercheurs qui travaillent pour la plupart à l'Université Laval, à Québec. Là-bas, on décortique les aliments comme le lait ou la canneberge pour en extraire les composants les plus susceptibles d'améliorer une condition de santé, puis on les incorpore à d'autres aliments. «Finalement, ça reste des aliments, explique-t-il. On ne crée pas quelque chose qui va à la pharmacie.»

Une expertise double

Selon lui, l'expertise double développée à l'INAF en recherche et en réglementation attire aux portes de son Institut un nombre croissant d'entreprises agroalimentaires désireuses d'y lancer une collaboration. «Les entreprises réalisent qu'elles ont besoin d'aide pour orienter la mise au point de leurs produits, explique Yves Pouliot. Créer un aliment, c'est une chose, mais créer un aliment fonctionnel pour lequel on veut obtenir une allégation de Santé Canada, c'en est une autre.»

Au cours des trois dernières années seulement, plus d'une centaine d'entreprises, allant de la PME à la multinationale, sont passées par l'Institut. Chaque fois, celles-ci ont payé au moins la moitié des coûts engendrés par la recherche.

Parmi les plus importants clients de l'INAF, on compte les Industries Lassonde. L'entreprise de Rougemont y a fondé en 2008 une chaire de recherche ayant pour objectif la conception d'une nouvelle gamme de jus fonctionnels. Un investissement de 1,7 million.

Selon Stefano Bertolli, vice-président communications pour les Industries Lassonde, l'entreprise se montre ainsi proactive dans la création de nouveaux produits fonctionnels. Un secteur où elle a d'ailleurs fait office de pionnière.

Il ne faut pas se surprendre de voir le distributeur des jus Oasis y aller à coup de millions pour stimuler la création de nouveaux jus fonctionnels. Le secteur est en pleine croissance partout en Occident. C'est d'ailleurs ce qu'avance une étude de PricewaterhouseCoopers qui remonte à 2009. Selon ce rapport, les aliments fonctionnels gagneront au cours des prochaines années de deux à cinq fois plus de parts de marché que le reste de l'industrie alimentaire. De plus, parmi les aliments fonctionnels, ce sont les jus qui connaîtront la croissance la plus rapide. En 2013, ils devraient même occuper 56% du marché des aliments fonctionnels aux États-Unis.

Faut-il comprendre par ces prévisions que ces aliments sont appelés à remplacer les produits naturels dans le panier des consommateurs? Selon Yves Pouliot, il faut bien comprendre que ces aliments ne forment pas une nouvelle panacée. «Il n'y a rien qui va remplacer une approche censée en nutrition, indique-t-il. On n'a pas besoin d'avoir recours à des molécules super sophistiquées pour rester en santé.»