Les grands donneurs d'ouvrage, comme Bombardier, Boeing ou Airbus, ne s'adressent plus directement aux petites PME pour participer à leurs programmes. Celles-ci doivent convaincre les fournisseurs de premier niveau des avionneurs, afin d'entrer dans leur chaîne d'approvisionnement. Or, la concurrence est rude, partout sur la planète.

S'ADAPTER AU CONTEXTE

« Les grands donneurs d'ordre ne veulent plus faire affaire avec de petites PME, à moins qu'elles disposent de technologies très pointues et spécifiques », observe Suzanne Benoit, PDG de la grappe aérospatiale québécoise Aéro Montréal. La raison ? Les avionneurs transfèrent ainsi le risque technologique et financier à leurs fournisseurs de premier rang, appelés « tiers 1 » et « tiers 2 ». Ceux-ci obtiennent la responsabilité de réaliser des sous-ensembles complexes, comme le train d'atterrissage, l'empennage, le système de cockpit intégré... « Les PME n'ont pas la masse critique pour endosser de tels projets au complet », souligne Mme Benoit.

ÉTOFFER SA BASE DE CLIENTS

L'internationalisation limitée des PME québécoises menace leur survie, s'inquiète Suzanne Benoit. Ce risque est d'autant plus important que le lien direct qu'elles pouvaient avoir avec le donneur d'ouvrage local passe désormais par l'intermédiaire d'un tiers 1, voire d'un tiers 2. Et à chacune de ces étapes se présente le risque d'être court-circuité par une entreprise concurrente, même implantée à l'autre bout du monde. Pourtant, les PME québécoises pourraient compenser ce risque en participant aux chaînes d'approvisionnement situées hors du Québec. « L'internationalisation solidifie le potentiel d'affaires, ce qui peut permettre de maintenir des opérations et des emplois au Québec », affirme Suzanne Benoit.

AVOIR UNE VISION CLAIRE

« Nous voulons nous asseoir avec des entreprises qui ont des visions stratégiques claires, explique Louis Bouchard, directeur, approvisionnement, chez Bombardier Aéronautique. On aime entendre qu'elles nous disent : "Voici quelles compétences je vais développer." » Or, les PME peinent souvent à démontrer leur capacité à avoir une vision à moyen terme. Et comme le cycle de vie d'un aéronef se compte en décennies, « une vision claire est rassurante pour nous, car elle nous permet de nous projeter dans le futur », décrit Louis Bouchard. Cela évite à un donneur d'ouvrage comme Bombardier de partir à la recherche de nouveaux fournisseurs tous les cinq ans, ajoute-t-il.

SE CONCENTRER SUR L'ESSENTIEL

« Aujourd'hui, en aérospatiale, on assiste à une spécialisation des entreprises, constate Louis Bouchard. Elles mettent l'accent sur un champ d'expertise qui les fait se démarquer pour toujours améliorer leur compétitivité. » C'est que le marché est devenu hyper concurrentiel. Et seule une compétitivité croissante permet de se faire une place au milieu des nombreux acteurs. L'amélioration de l'expertise peut se faire à travers des partenariats stratégiques ou par des regroupements d'entreprises. Ces associations permettent de passer d'assemblages simples à des assemblages plus complexes. « Cela fait partie des facteurs de succès pour s'intégrer dans les chaînes d'approvisionnement des grands donneurs d'ordre », souligne M. Bouchard.

TRAÇABILITÉ ET RESPONSABILITÉ

Au sein de chaque chaîne d'approvisionnement, le mot d'ordre est la réduction des coûts. « Tout le monde vit ça actuellement », observe Mme Benoit. Pour autant, les PME doivent être capables de démontrer qu'elles respectent des normes élevées en termes de traçabilité et de responsabilité sociale. Pour un avionneur, il est hors de question de prendre le risque d'être montré du doigt parce qu'un maillon de sa chaîne d'approvisionnement méprise les droits fondamentaux de ses travailleurs. « La sélection des fournisseurs doit respecter notre processus d'approbation, incluant des certifications de base et certains prérequis », précise Louis Bouchard.

DES RESSOURCES POUR GRANDIR

Des PME québécoises pourraient saisir l'occasion d'aller se placer dans une chaîne d'approvisionnement étrangère en acquérant une firme sur place. « Il n'est pas exclu que nous financions une acquisition à l'étranger pour mieux positionner une entreprise québécoise, même si nous ne l'avons pas encore fait », assure Jean Wilhelmy, vice-président principal, aérospatiale, infrastructures, services et transport, au Fonds de solidarité FTQ, qui se dit prêt à s'adapter à la nouvelle donne des chaînes d'approvisionnement. Et la Stratégie aérospatiale du gouvernement du Québec a réservé 19,8 millions sur cinq ans pour financer des rachats d'entreprise.

photo Pascal Rossignol, archives reuters

Les PME du secteur aérospatial doivent convaincre les grands acteurs, comme Boeing ou Airbus, s'ils veulent se joindre à leur chaîne d'approvisionnement.

Photo André Pichette, La Presse

Suzanne Benoit, PDG d'Aéro Montréal