Des étudiants en design industriel démontrent comment des pièces d'avions destinées aux rebuts peuvent se réincarner en nouveaux produits.

Qu'advient-il des sièges et des compartiments à bagages de cabines quand les avions qui arrivent au terme de leur vie utile sont retirés du service? Ils sont mis aux rebuts, comme de nombreuses autres pièces, jugées irrécupérables en raison de leurs matériaux inutilisables, de leur complexité, ou de leur traitement de surface.

Mais un vieux siège pourrait plutôt revivre sous forme de vélo et de moufles de cuir, et un compartiment à bagages pourrait se métamorphoser en banc de rangement.

Ce sont là quelques-uns des projets de 16 étudiants en design de l'Université de Montréal, qu'ils ont conçus et concrétisés cet automne dans un atelier de sept semaines. Leurs réalisations étaient dévoilées mardi soir lors du vernissage d'une petite exposition à Polytechnique Montréal.

Cet atelier de design est un rejeton d'un projet de recherche sur la gestion avancée et les technologies relatives à la fin de vie des avions, auxquels sont associés Bombardier Aéronautique, Bell Hélicoptère et le Consortium de recherche et innovation en aérospatiale au Québec (CRIAQ).

Le CRIAQ a proposé cet exercice, qui consistait à concevoir de nouveaux produits fabriqués avec au moins 80% de matériaux provenant d'avions à la retraite.

Ces pièces étaient tirées d'un appareil Bombardier CRJ 100, cédé par le constructeur au Centre technologique en aérospatiale de Saint-Hubert. Le professeur de design industriel Sylvain Plouffe, responsable du cours, était lui-même allé identifier les éléments qui présentaient quelque potentiel de réemploi.

Au terme des deux premières semaines, les étudiants ont présenté trois concepts chacun, sur la base des pièces de leur choix. Durant les cinq semaines suivantes, à raison de deux jours par semaine, ils se sont attaqués à la conception et la fabrication du projet retenu.

Un impact environnemental réduit

L'exercice est difficile: «Il faut modifier les matériaux pour que ça n'ait pas l'air fabriqué dans son garage», indique l'étudiante Jenna Dugain, qui a construit une patère et une horloge à partir de pièces de plastique servant à fixer des tubulures.

De son côté, Juliane Charbonneau a récupéré le cuir des sièges, assoupli par l'usage, pour confectionner des moufles qui couvrent les avant-bras. L'étudiante a même ravivé les talents de couturière de sa grand-mère octogénaire, dont c'était la profession. «La sixième paire (celle qui est exposée), je l'ai faite seule!», se réjouit-elle avec un large sourire.

Gary Texier a réusiné les membrures structurales des sièges pour assembler un étonnant vélo - sa rigolote vidéo donne un excellent aperçu du travail des étudiants: cherchez Vélair sur YouTube.

Dominique Croteau utilise pour sa part un compartiment à bagages qu'elle garnit de coussins en cuir et de flancs en bois pour créer un banc de rangement: son couvercle s'ouvre sous l'effet de vérins à gaz!

«Il faut que ça soit beau, utile et réalisable, mais la base demeure tout de même l'impact environnemental», souligne le professeur Sylvain Plouffe.

Pour évaluer cet impact, l'ingénieure Annie Levasseur, chercheuse au Centre interuniversitaire de recherche sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), a fait une analyse complète d'un des projets étudiants - la chaise de Manon Piazza, fabriquée à partir de coquilles de sièges d'avion. En comparaison d'une chaise équivalente produite industriellement, «on obtient un gain de 400% en empreinte de carbone», informe-t-elle.

En effet, l'impact environnemental tout au long du cycle de vie est une préoccupation de plus en plus importante chez les constructeurs aéronautiques.

«Aujourd'hui, entre 75 et 85% d'un avion est déjà recyclé ou valorisé», informe Kahina Oudjehani, leader en écoconception chez Bombardier Aéronautique. Elle dirige une équipe de six ingénieurs chargée «d'intégrer la conscience environnementale dans la phase du design de l'avion».

Elle a suivi de près le travail des étudiants, qui consistait justement à mettre à profit les 25% inutilisés.

«Le design reste à raffiner, mais en cinq semaines, ce qu'ils ont fait est extraordinaire, constate-t-elle. Le message est que c'est faisable, et ces projets en sont un exemple.»