L'industrie québécoise de l'aérospatiale est sur une lancée. Chiffre d'affaires en hausse, création d'emplois, investissements privés et publics, lancement imminent de la nouvelle CSeries de Bombardier: les bonnes nouvelles se succèdent. De quoi faire oublier la crise financière de 2008 et la récession qui a suivi.

Selon Amélie Hudon, directrice, communications et stratégie, à Aéro Montréal, tous les indicateurs pointent vers le haut. «Les moins bonnes années sont derrière nous. On est carrément devant la reprise. Les ventes, qui étaient de 11 milliards en 2010, ont atteint 12,1 milliards en 2012, soit une hausse de plus de 10%", dit la porte-parole de la grappe aérospatiale du Québec.

En fait d'emplois, l'industrie donnait du travail à 40 000 personnes en 2010. Ce chiffre a grimpé à 42 500 travailleurs en 2012. «Et selon le recensement publié en mars 2013 par le Comité sectoriel de main-d'oeuvre en aérospatiale du Québec (CAMAQ), plus de 2300 emplois devraient avoir été créés d'ici la fin de l'année», explique Mme Hudon.

Selon Jacques Roy, de HEC Montréal, tous les regards sont tournés vers la CSeries de Bombardier. «C'est LE gros projet en ce moment au Québec. Le lancement de nouveaux appareils, on ne voit pas ça souvent. C'est un moment historique», dit le professeur titulaire et directeur du service de l'enseignement de la gestion des opérations et de la logistique.

C'est donc toute l'industrie québécoise qui, par ricochet, devrait en profiter si les carnets de commandes de Bombardier se remplissent. À commencer par le fabricant de moteurs Pratt&Whitney (2500 employés à Longueuil), qui a conçu le nouveau moteur (le PurePower) qui propulsera les avions (respectivement d'environ 100 et 130 places) de la CSeries.

Aide à l'innovation

M. Roy, membre du conseil consultatif de l'Examen de l'aérospatiale, dont le rapport a été publié en novembre 2012, se félicite par ailleurs de l'engagement pris par le gouvernement fédéral, il y a quelques semaines, d'investir dans le Programme de démonstration de technologies. Cette enveloppe budgétaire (jusqu'à 54 millions annuellement) servira à «valider des concepts prometteurs et des prototypes dans des environnements fonctionnels, plus près de leur application potentielle», selon Aéro Montréal. Bref, à aider les entreprises à innover.

«L'Examen de l'aérospatiale servait, entre autres, à démontrer combien le secteur aérospatial joue un rôle important dans notre économie. Et aussi que le gouvernement canadien n'y investissait pas assez comme le font des pays tels la France et les États-Unis. Avec cette annonce, je crois que nous avons en partie atteint notre but», dit le professeur à HEC Montréal.

Il n'y a pas que le secteur public qui investit en aérospatiale par les temps qui courent. Pratt&Whitney continue à injecter annuellement plusieurs dizaines de millions de dollars en recherche et développement. De plus, grâce à un investissement de 64 millions (mais également une grande expertise acquise au fil des ans), l'usine GE Aviation de Bromont est désormais un centre mondial de R-D en robotique, automatisation et instrumentation.

Des initiatives comme le SA2GE (Systèmes Aéronautiques d'Avant-Garde pour l'Environnement) pour la construction d'avions encore plus écologiques de même que l'initiative MACH (optimiser la chaîne d'approvisionnement aérospatiale québécoise) font également en sorte que plusieurs entreprises travaillent désormais en étroite collaboration, et non plus en vase clos.

Autre signe qui ne ment pas sur le sort qui attend l'industrie aérospatiale au cours des prochaines décennies: selon l'Association internationale du transport aérien (IATA), le trafic aérien devrait augmenter de 5% dans le monde. "Ça devrait se traduire par l'arrivée de 33 500 nouveaux appareils sur le marché d'ici 2030, ce qui doublera la flotte mondiale d'avions», dit Amélie Hudon, d'Aéro Montréal.

Quant à une éventuelle délocalisation des entreprises dans le secteur de l'aérospatiale, Jacques Roy se fait rassurant. «La grande valeur ajoutée, c'est le design, le développement, bref les choses qui font la force du Québec et qui ne se délocalisent pas si facilement», dit-il.

Un savoir-faire de calibre mondial

Le secteur de l'aérospatiale au Québec est composé de grands donneurs d'ordres comme Bombardier, Pratt&Whitney, CAE et Héroux-Devtek. Mais il ne faudrait pas oublier les PME, de même que les maisons d'enseignement, les centres de recherche et, bien sûr, les sièges sociaux d'organisations internationales.

Le taux d'activité en aérospatiale au Québec est concentré à 98% dans le Grand Montréal. Pas étonnant que la métropole soit parmi les plus grands centres aérospatiaux du monde, au même titre que Seattle et Toulouse.

Les chiffres colligés par Aéro Montréal, la grappe aérospatiale du Québec, sont là pour le prouver: la grande région de Montréal est la deuxième capitale mondiale en fait de densité d'emplois en aérospatiale. Alors que 1 Québécois sur 189 travaille dans l'industrie aérospatiale, à Montréal, c'est 1 personne sur 96 dont l'emploi est relié à ce secteur.

Par conséquent, comme le souligne Aéro Montréal, une telle concentration de joueurs dans les secteurs industriel, éducatif, scientifique et associatif ne peut que se traduire par une capacité de production et de recherche exceptionnelle.

Le secteur de l'aérospatiale du Québec, c'est:

Quelque 215 entreprises

Plus de 42 500 travailleurs

Montréal, deuxième capitale mondiale en termes de densité des emplois en aérospatiale avec 1 personne sur 96 dont le travail est relié au secteur

Un chiffre d'affaires de 12,1 milliards, dont 80% proviennent de l'exportation

Le 6e rang mondial en aérospatiale, derrière les États-Unis, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon

L'industrie aérospatiale québécoise représente:

55% des ventes aérospatiales canadiennes;

50% des effectifs canadiens du secteur;

70% des dépenses totales en recherche et développement au Canada.

Sources: Aéro Montréal, Montréal International, MDEIE