Alors que la Chine contrôle la production de plusieurs minéraux critiques et stratégiques qui servent notamment dans la fabrication de batteries, certains pays cherchent de nouvelles sources d’approvisionnement. Le Québec, qui possède certaines de ces ressources en quantité notable, tente de se positionner comme une solution de remplacement. Coup d’œil.

« Nous voulons devenir le leader nord-américain en production et en deuxième transformation de lithium au Québec », affirme Guy Belleau, chef de la direction de Sayona, une filiale d’une entreprise australienne.

Grâce à un investissement d’environ 100 millions de dollars, l’entreprise a remis en activité en mars la mine du Complexe Lithium Amérique du Nord à La Corne, en Abitibi. « Nous augmentons la cadence et nous prévoyons environ six mois pour arriver à la pleine performance de l’usine », précise M. Belleau.

Alors que la Chine contrôle presque tout le marché du lithium, Sayona souhaite prendre de plus en plus de place et a d’ailleurs lancé une étude pour réaliser une deuxième transformation.

« Nous voulons prendre le concentré de lithium à 6 % pour l’amener presque à 100 % pour faire un carbonate de lithium qui entre dans la fabrication des batteries lithium-ion utilisées dans les cellulaires, les ordinateurs et certaines voitures électriques », explique Guy Belleau. L’entreprise prévoit pouvoir commencer vers le milieu de l’année 2026.

On deviendrait la seule mine verticalement intégrée en Amérique du Nord, donc du sous-sol jusqu’à la voiture, avec de l’hydroélectricité du Québec, ce qui en ferait le lithium le plus vert au monde.

Guy Belleau, chef de la direction de Sayona

Sayona a aussi le projet Moblan, sur le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James. « Depuis l’acquisition en octobre 2021, nous avons réalisé près de 37 700 mètres de forage et nous estimons que Moblan représente désormais l’une des plus importantes ressources de lithium en Amérique du Nord », affirme Guy Belleau.

Sayona évalue ainsi détenir sur ses deux sites québécois environ 30 % de la ressource de lithium de roche dure en Amérique du Nord.

Plusieurs projets avancés

Le lithium de Sayona est l’un des projets avancés dans le domaine des minéraux critiques et stratégiques au Québec. Mais il y en a d’autres. « Sur les 33 projets miniers sur la table actuellement au Québec, 18 sont dans le domaine des minéraux critiques et stratégiques, donc cela signifie que les efforts du gouvernement du Québec ces dernières années, avec son plan de valorisation et différents incitatifs fiscaux et financiers, ont porté leurs fruits », affirme Josée Méthot, PDG de l’Association minière du Québec.

Plusieurs autres projets touchent d’ailleurs le lithium, que ce soit Baie James d’Allkem, Rose de la Corporation Lithium Élements Critiques, Sirmac Dike # 5 de Vision Lithium et Whabouchi de Nemaska Lithium.

Le graphite se démarque également, notamment avec le projet Matawinie et avec l’usine de transformation à Saint-Michel-des-Saints de Nouveau Monde Graphite. Mais il y a aussi Lac Knife de Focus Graphite, Lac Rainy de Metals Australia, La Loutre de Lomiko Metals et Uatnan de Mason Graphite. De plus, la mine de Northern Graphite à Saint-Aimé-du-Lac-des-Îles est déjà en exploitation.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Josée Méthot, PDG de l’Association minière du Québec

Le Québec est très bien positionné, notamment au niveau du lithium et du graphite, en raison de la très forte demande mondiale liée à la transition énergétique et de la volonté d’opter pour des minéraux produits de façon responsable.

Josée Méthot, PDG de l’Association minière du Québec

Mme Méthot souligne d’ailleurs que plusieurs pays, comme les États-Unis, mais aussi la France et l’Allemagne, ont adopté une stratégie pour sécuriser leurs approvisionnements en minéraux critiques et stratégiques afin de réduire leur dépendance à la Chine.

Faire des choix

« Québec a déterminé que 42 minéraux sont critiques et stratégiques, on en produit déjà plusieurs, comme le titane, le niobium, le nickel et le cobalt, et puisque nous avons un grand territoire, nous avons des chances d’y trouver des choses intéressantes », indique Jean-François Boulanger, professeur à l’Institut de recherche en mines et en environnement de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).

Il souligne qu’on ne produit pas encore de terres rares, toutefois, alors que la Chine contrôle particulièrement ce secteur. Mais alors que plusieurs projets sont sur la table pour soutenir la transition énergétique, il souligne que le Québec devra faire des choix.

Nous avons une énergie propre à prix abordable, mais il n’y en aura pas pour tout le monde et les alumineries en prennent déjà beaucoup.

Jean-François Boulanger, professeur à l’Institut de recherche en mines et en environnement de l’UQAT

De plus, d’un côté, il y a le désir de réaliser une transition énergétique en acquérant une certaine indépendance par rapport à la Chine, et de l’autre côté, le syndrome du « pas dans ma cour ». « Je crois qu’il est possible d’avoir une exploitation minière avec une acceptabilité sociale, mais cela demandera beaucoup d’efforts et de dialogue, précise le professeur. Il faut un débat de société. »

En savoir plus
  • 226 000
    C’est le nombre de tonnes de concentré de lithium par année que l’usine de Sayona, à La Corne, en Abitibi, prévoit produire à plein rendement.