Née il y a cinq ans dans un condo industriel, Ferme d’Hiver est en voie de produire annuellement près d’un million de kilos de fraises grâce à un procédé développé en 2019. Ambitieuse, la PME fait le pari que les technologies et même l’intelligence artificielle peuvent régler les enjeux d’approvisionnement alimentaires actuels. Portrait.

Après une carrière en hautes technologies, Yves Daoust fonde Ferme d’Hiver en 2018. Né dans une famille maraîchère de sept générations, il a un seul objectif en tête : utiliser ses connaissances des technologies pour aider l’industrie alimentaire. Déjà sensibilisé aux enjeux environnementaux, il veut aider à combattre les problèmes liés aux changements climatiques, à la sécurité alimentaire et à l’indépendance alimentaire.

Dans un minuscule laboratoire installé dans un condo industriel de Brossard, il fait la preuve en 2019 qu’il est possible de recréer les conditions optimales nécessaires pour faire pousser des fraises à l’intérieur. Cette démonstration charnière a une signification cruciale du point de vue de l’approvisionnement commercial : avoir accès à une production constante et prévisible toute l’année signifie pouvoir acheter à grand volume, à l’avance et à un prix fixe. Cette approche change complètement la donne pour les épiciers, qui doivent depuis toujours se plier aux aléas climatiques qui font fluctuer les prix et les disponibilités de saison en saison.

Extrêmement enthousiaste à l’idée de ce potentiel changement de paradigme, Sobeys (IGA au Québec) conclut une entente financière avec Ferme d’Hiver la même année, lui garantissant un large volume d’achat de fraises dès que celles-ci verraient le jour en grande quantité. En 2020, Québec accorde 1,3 million de dollars à l’entreprise avec la perspective de favoriser l’autosuffisance alimentaire. Puis, une première ronde de financement procure 5 millions additionnels à l’entreprise en 2021.

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Daphné Mailhot, directrice, commercialisation et communication chez Ferme d’Hiver

Les producteurs doivent se tourner vers la technologie pour surmonter leurs enjeux économiques et environnementaux. Ferme d’Hiver rêve grand pour le déploiement de sa solution, mais aussi pour le Québec en entier, qui a tout ce qu’il faut pour devenir un leader de l’agriculture durable.

Daphné Mailhot, directrice, commercialisation et communication chez Ferme d’Hiver

Afin de démontrer ses capacités de production de fraises d’intérieur à grande échelle et toute l’année, Ferme d’Hiver inaugure une première ferme verticale en partenariat avec Les Serres Vaudreuil en 2021.

Pour les néophytes, les fermes verticales de Ferme d’Hiver sont des installations intérieures intégrées à des serres traditionnelles. Entièrement indépendantes du climat extérieur, elles recréent l’ensemble des composants climatiques nécessaires à la croissance des plantes, y compris le vent, le CO2, la chaleur, la lumière et… les bourdons !

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Les fermes verticales de Ferme d’Hiver sont des installations intérieures intégrées à des serres traditionnelles.

Devenues un site d’innovation stratégique pour Ferme d’Hiver, Les Serres Vaudreuil ont été acquises par l’entreprise l’an dernier. Selon Daphné Mailhot, directrice, commercialisation et communication, le centre est aujourd’hui l’un des sites de production de la Fraise d’hiver les plus avancés au monde.

Quand l’IA tombe dans les fraises

Dans le but d’améliorer encore davantage le rendement et l’efficacité énergétique de ses fermes verticales, Ferme d’Hiver a lancé le projet CERVEAU, en 2022, qui intègre l’intelligence artificielle pour contrôler automatiquement les composants du climat des fermes (humidité, chaleur, vent, etc.).

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Ferme d’Hiver intègre l’intelligence artificielle pour contrôler automatiquement les composants du climat des fermes.

D’ici décembre, un total de huit fermes verticales y seront en activité, pour une capacité de production de 1 million de kilos annuellement. À titre comparatif, le Canada importe environ 133 millions de kilos chaque année. À terme, l’objectif de l’entreprise serait que sa technologie permette aux producteurs d’atteindre une capacité de 13 millions de kilos de fraises par an, de manière à pouvoir soutenir environ 10 % de la demande du pays.

Cependant, Daphné Mailhot précise que la mission de son organisation est davantage de trouver des réponses à des problèmes macroéconomiques que d’être un producteur maraîcher : « Notre ambition, pour le site de Vaudreuil, est d’être un centre d’innovation d’envergure mondiale pour démontrer le potentiel industriel de notre technologie et poursuivre nos efforts de recherche et développement pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement et assurer une agriculture maraîchère plus durable. »