Le domaine de l’intelligence artificielle (IA) connaît un développement fulgurant au Québec et partout dans le monde depuis quelques années. Et malgré certaines appréhensions, la recherche en la matière s’accélère et ses applications concrètes en entreprise se multiplient. Survol.

Scale AI, supergrappe canadienne de l’intelligence artificielle (IA), dont le mandat est d’accélérer l’intégration de l’IA dans les industries grâce à des subventions fédérales et provinciales, a financé une dizaine de projets à sa première année d’activité, en 2020. Puis, au cours des 18 derniers mois, elle a accordé un financement à plus de 70 projets au pays – dont la moitié au Québec. Depuis que Scale AI existe, cela représente 410 millions de dollars.

« Il y a une plus grande maturité et un plus grand intérêt pour l’intelligence artificielle aujourd’hui », affirme Julien Billot, président-directeur général de Scale AI. Il explique avoir assisté au développement d’un « écosystème IA », notamment à Montréal, au cours des cinq dernières années.

Applications variées

Les utilisations de l’intelligence artificielle ne se résument pas à l’agent conversationnel ChatGPT, qu’on voit régulièrement dans les médias ces jours-ci. Scale AI, par exemple, a notamment collaboré avec des membres des secteurs de l’agriculture, minier, de la santé, du commerce, du transport et manufacturier, et surtout avec des entreprises de différentes envergures.

PHOTO FLORENCE LO, ARCHIVES REUTERS

Les utilisations de l’intelligence artificielle ne se résument pas à l’agent conversationnel ChatGPT, qu’on voit régulièrement dans les médias ces jours-ci.

Pour ce qui est des utilisations communes, tout type de société peut recourir à l’IA pour mieux prévoir la demande ou mieux tracer les produits, pour optimiser ses prix et ses commandes, pour mieux gérer ses ressources humaines ou encore pour créer des publicités, explique Julien Billot.

Ensuite, certaines applications sont propres à chaque domaine. « Les transporteurs, on va optimiser vos routes et votre chargement, soutient M. Billot. En agriculture, on peut mieux prévoir la météo, mesurer la qualité des sols, la quantité d’eau et de nutriments nécessaire. En aviation, l’IA peut vous aider à mieux piloter ou pour la dépense de carburant. »

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Julien Billot, président-directeur général de Scale AI

L’an 2015 de l’intelligence artificielle, c’est le 1995 de l’internet. On est au moment où commence sa massification du professionnel vers le grand public. Ça a pris 25 ans pour l’internet, et ça prendra à peu près la même chose à l’IA.

Julien Billot, président-directeur général de Scale AI

Évolution exponentielle

« La genèse de l’intelligence artificielle vient d’il y a une dizaine d’années », affirme Laurent Charlin, membre principal de l’Institut québécois d’intelligence artificielle Mila et professeur agrégé à HEC Montréal. « Puis, c’est une évolution exponentielle. Dans le milieu des affaires, plusieurs entreprises ont d’immenses laboratoires de recherche. »

Il existe deux grands niveaux d’applications concrètes pour l’IA, aux yeux de Laurent Charlin.

D’abord, on parle d’aide à la décision. Au cours des 10 dernières années, la capacité humaine à stocker de l’information en ligne a considérablement augmenté. À partir de ces données, on peut par exemple analyser quel article pourrait intéresser un certain utilisateur, et lui faire des recommandations de lecture en fonction de ses préférences.

Ensuite, ce sont les grands groupes technologiques, comme Google ou Meta. Leurs outils de traduction sont basés sur l’intelligence artificielle, de même que leurs algorithmes qui sont conçus pour mettre de l’avant les contenus susceptibles d’intéresser l’utilisateur.

Face à ces avancées, il y a de l’excitation au sein de la communauté scientifique.

C’était intellectuel, et là des choses se passent. L’IA prend une place de plus en plus importante dans notre société, rapidement. Nous sommes dans une période exceptionnelle pour notre domaine.

Laurent Charlin, membre principal de l’Institut québécois d’intelligence artificielle Mila et professeur agrégé à HEC Montréal

Cependant, il y a aussi une certaine retenue. L’IA est une arme à double tranchant, et il faut le reconnaître. C’est pourquoi il existe de plus en plus de spécialistes d’éthique en intelligence artificielle. « Il y a aussi une partie de nous qui se dit : “Il faut le faire pour le bien de l’humanité”, mais il peut y avoir des dérives, car on est encore en train d’apprendre comment et dans quel contexte l’utiliser. »

Aujourd’hui, s’il est impressionné par les modèles génératifs, qui peuvent créer du texte ou des images à partir de rien, Laurent Charlin les considère toujours comme imparfaits. « Je pense que ces systèmes nous impressionnent déjà, mais ils font des erreurs dans la véracité : fausses infos ou images non crédibles. C’est la prochaine frontière à traverser. »

« La science a des cycles, mais pour le moment on n’est pas encore dans le plateau, ajoute-t-il. C’est assez fascinant, et c’est difficile d’imaginer ce qui va se passer. »