Sa technique pour détecter la présence d’eau dans le pergélisol a été créée pour mieux gérer le développement et l’entretien des infrastructures dans le Grand Nord qui se réchauffe. Mais Pooneh Maghoul, professeure à Polytechnique Montréal, applique maintenant aussi son expertise... sur la Lune.

Pour réaliser la mission Artemis qui vise à ramener des humains sur la Lune en vue de les envoyer explorer Mars, la NASA a besoin d’eau. On a déjà constaté grâce à des images satellites que l’or bleu est présent sur la surface de la Lune.

« Mais on n’a aucune information sur les conditions souterraines et on doit les connaître pour pouvoir développer des techniques afin d’extraire cette ressource qui serait beaucoup trop dispendieuse à amener de la Terre : le transport de chaque kilogramme coûte environ 1 million de dollars », indique Pooneh Maghoul.

C’est ici que son expertise développée dans le Grand Nord entre en jeu. « Les changements climatiques ont un grand impact sur le pergélisol qui est devenu comme une boule de crème glacée oubliée sur la table, explique la professeure. Il y a de plus en plus d’eau non gelée dans le pergélisol, et cela vient le déstabiliser. »

Or, pour savoir où construire les infrastructures, civiles ou minières par exemple, il faut savoir où se trouve l’eau. Pour y arriver, Pooneh Maghoul et son équipe ont développé une méthode basée sur les ondes sismiques.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Pooneh Maghoul

Nous faisons du martelage qui crée de la vibration dans le sol. Un peu comme si une voiture passait, le sol vibre et on peut détecter la présence d’eau gelée ou liquide.

Pooneh Maghoul, professeure au département des génies civil, géologique et des mines à Polytechnique Montréal

Une méthode, tous les terrains

Cette expertise développée dans le Grand Nord peut très bien être exportée sur la Lune pour voir où se trouve l’eau. C’est le but du grand projet de six ans financé par l’Agence spatiale canadienne sur lequel travaille la professeure en collaboration avec des collègues des universités McGill, Simon Fraser et du Manitoba.

« Eux, ils s’occupent de développer des capteurs sismiques miniatures qu’on pourra installer sur des robots qu’on amènera sur la Lune pour capter la vibration de la surface et moi, j’adapte notre méthode développée dans le Grand Nord pour les conditions lunaires. »

Pour tester son prototype, elle travaille actuellement avec les signaux sismiques captés pendant une dizaine d’années lors du programme Apollo, dans les années 1960, et avec des données captées avec de nouvelles technologies sur Mars lors de la récente mission InSight.

Notre méthode sismique pour trouver de l’eau gelée et non gelée dans le sol peut être utilisée partout, dans le Grand Nord comme sur la Lune, sur Mars, sur un astéroïde, ou ailleurs.

Pooneh Maghoul, professeure au département des génies civil, géologique et des mines à Polytechnique Montréal

La chercheuse poursuit en même temps ses travaux dans le Grand Nord. « Nous avons développé un outil de gestion adaptative pour les infrastructures civiles et minières dans les régions nordiques canadiennes, explique-t-elle. En mettant ensemble nos données et d’autres provenant de différentes sources, nous voulons pouvoir dire aux parties prenantes que, par exemple, ces infrastructures seront dans telles conditions en 2030, en 2040 ou en 2050. Cela pourra les aider à adopter des mesures de mitigation pour mieux gérer leurs sites. »

Pooneh Maghoul est à l’étape d’aller chercher des brevets.